Pour ceux qui ne connaissent pas , les Cinglés du Ventoux est une randonnée permamente gérée par un club dédié ( suivre le lien ) . Il s'agit de monter le Ventoux 3 fois dans la même journée par les trois routes existantes : Bedoin, Malaucène et Sault . Il y a aussi les Galériens ( 4 fois ) et les bi-Cinglés ( 6 fois ) . Bon, 3 fois c'est déjà pas mal , il s'agit quand même du Géant de Provence et d'une montée parmi les plus difficiles de France.
Ayant dû renoncer à la GOLD cette année pour cause de déplacment professionnel, je profite de deux jours de vacances restants à prendre pour programmer les Cinglés le 2 juin . Départ en train depuis Massy le 1er et retour le samedi matin.
J'ai décidé de faire un peu de renouvellement dans le parc vélo pour acquérier un vélo dédié longue distance ( accepte les pneus jusqu'à 34 ) et avec tous les cables intégrés ( ok , je cède au marketing ) . Trouvé en Espagne à un tarif défiant tout concurrence et bonne surprise malgré l'absence de suivi il arrive le lundi . Du coup je ne résiste pas au plaisir de l'emmner au Ventoux 😀 .
Il s'agit d'un Orbea Orca M20 Team sur lequel je mets les roues Zipp 303 pour l'occasion, change le plateau de 34 pour un 33 Spécialités TA adaptable sur pédalier Ultegra . Après discussion avec Nicolas , je me décide à changer la cassete pour mettre une 11X34 . 100g de plus mais assurance en cas de coup de moins bien.
Départ le jeudi matin , train à 9h32 , je prévois de la marge et quitte la maison à 8h pour 45 min de trajet confirmé par Google Maps . Oui ... mais un accident se produit quand j'arrive sur l'A10 , je rejoins la gare à 9h15 ça va le faire quand même . Oui ... mais le parking ( réservé ) est plein et je tourne pour trouver une place. Je cours vers la gare ( le parking est grand ) , pas évident avec le vélo dans son sac de transport. Quand j'arrive , la gare est en train d'êtrre évacuée pour cause de colis suspect, le coup de grâce , on m'oriente vers l'accès extérieur du quai et j'arrive pile pour voir le train démarrer sans moi .
Malheur !
La gare ouvre à nouveau 30 minutes plus tard, et l'agent me dit que tous les trains sont complets jusqu'à 17h . Gros coup au moral mais on ne lâche rien , il doit y avoir une solution . Au pire je prends la voiture ... En regardant bien, il y a un OUIGO à 11h50 Mais impossible de changer les billets entre SNCF et OUIGO , eh oui ce ne sont pas les mêmes compagnies . J'ai heureusement pris l'assurance annulation, donc j'annule le billet et rachete le billet OUIGO . Ouf !
Le reste du voyage se déroule sans souci , remontage du vélo sur le quai à Avignon , TER à Carpentras puis direction le gîte loué à Mazan à 20 min de la gare avec la vélo .
J'y suis !
La propriétaire Monique , m'accueille très gentiment. J'ai une chambre agréable et calme indépendante de la maison avec accès au garage pour le vélo , nickel . Monique me conseille la pizzeria de la rue principale, Adresse à retenir "La Pizzeria , Mazan" , joli cadre et cuisine au top , sans compter la bière locale "Ventopp" .
Je me couche tôt, reveil prévu à 5h30 pour un départ à 6h30 .
N'étant pas du matin, le réveil matinal n'est pas ma spécialité mais la motivation aidant , je bondis du lit à la sonnerie du réveil. Café / jus d'orange / petits pains au chocolat , douche vivifiante et me voilà sur le vélo direction Bedoin pour le départ officiel du parcous des Cinglés.
Ca monte sans discontinuer en faux plat entre Mazan et Bedoin , je rajoute 150m de D+ aux 4400m officiels du parcours .
Un arrêt au tabac presse de Bedoin pour faire tamponner la carte de route, selfie dans l'hôtel de ville pour assurer le coup ( les photos sont acceptées aussi pour l'homologation ) . et c'est parti. La montée commence dès la sortie de Bedoin mais avec une pente autour de 5% jusqu'au célèbre virage de Saint-Estève où la pente se dresse soudain à 10% pour 9km dans la forêt. Il y a déjà quelques cyclistes dans l'ascension . Je me suis fixé une stratégie pour la journée , monter en souplesse à 80% de ma FTP et ne surtout pas essayer de sauter dans les roues de ceux qui me dépasseront.
La question ne se pose pas pendant l'ascension , ça monte tranquille et je rattrape sans forcer les cyclistes devant moi . Il y a un énorme groupe en maillots orange "Business Cycling" que je croiserai plusieurs fois dans la journée, ça fait des cibles à doubler tout comme un groupe de suedois avec une voiture d'accompagnement que je reverrai aussi à plusieurs reprises. La dernière fois j'avais fait la montée le plus vite possible et je me souviens du mal de jambes dans la forêt car il n'y a aucun répit . Certte fois , pas de souffrance, je vis un moment absolument fabuleux : temps magnifique , paysage magnifique, il fait bon , pas trop chaud , la vie est belle !
Du coup , j'ai l'impression d'arriver rapidement au Chalet Reynard, 2 km peu pentus qui permettent de tourner les jambes avant le final qui est de plus en plus pentu jusqu'au dernier km à 11% . Passage devant les photographes auxquels je fais mon plus beau sourire.
Me voilà au sommet , on ne se lasse pas de la vue en haut du Ventoux , 360° sur la Provence et la chaine des Alpes , majestueux . Tampon au magasin de souvenirs , photo devant le panneau Ventoux qui est revenu à sa place , il était encore en réparation lors de la Ventoux Trans Massif de Mai .
Le temps a passé vite , il est 9h50 quand je m'élance dans la descente de Malaucène et son revêtement magnifique. Une photo descente au passage, je dévale sans forcer, et reconnait les passages de la Ventoux Trans Massif. Il y a beaucoup de monde en train de monter , une file presque continue de cyclistes avec des rythmes bien différents.
10h20, j'arrive au centre de ville de Malaucène , pile poil devant une boulangerie. Un petit coup de tampon pour le carnet de route, une bouteille d'eau fraiche pour me désaltérer et remplir la gourde, et 2 pains au chocolat. Une pensée pour David, c'est son régime longue distance, me voilà paré pour remonter !
Comme du côté Bedoin, ça ne monte pas trop fort au début mais la pente est plus irrégulière avec souvent des passages à 10% entre deux parties moins raides. Je ne force pas, je sais qu'il y a 4 km à 11% avant la station du mont Serein. J'ai un autre cycliste à 50m devant et je resiste à la tentation d'aller le chercher. Et voilà la partie dure. Le gars devant s'éloigne . Alors que depuis le matin je monte autour de 200-210W affichés au capteur de puissance , d'un coup , je plafonne à 170-180. Coup de moins bien, finalement les pains au chocolat c'est pas le régime miracle. Je n'ai pas trop senti le coup venir, je ne suis pas à la rue mais rien à faire , les jambes ne veulent pas appuyer plus. C'est là que je remercie Nicolas pour le 34 qui me permet de gérer ce passage délicat. Je ne suis pas pressé , petite pause technique et j'avale un gel "coup de fouet" , qui ne changera rien à l'affaire. Je me suis pourant bien alimenté depuis le départ, je ne vois pas d'explications évidente à ce coup de mou qui ressemble d'ailleurs au même dans la Ventoux Trans Massif.
Oh que le replat du Mont Serein est agréable ! 1,5 km à 3/4 % qui permettent de décontrater les jambes , mais je plafonne toujours quand ça repart à 10% en sortie de la station. Je connais ce passage, on l'a grimpé en Gravel il y a un mois. A 2km du sommet, les jambes reviennent , la puissance remonte au nominal et je repasse un gars qui m'avait doublé tout en faisant un grand sourire au photographe, sourire un peu terni par le gros nuage noir que je vois arrivé. La météo sur tous les sites annonçait un risque d'orage à 17h , pas à midi !
12h50 , photo au sommet , pas besoin de refaire un tampon , je m'équipe pour la descente lorsque ... la grêle se met à tomber . J'attends que ça se calme à l'abri , avant de me lancer dans la descente . Il fait un froid de canard d'un coup , je claque des dents jusqu'au Chalet Reynard.
Au Chalet, je prends à gauche direction Sault pour la longue descente dans la forêt ( 20 km ) , peu pentue, il faut souvent pédaler .
En arrivant en bas, petite pause photo pour prendre la lavande qui commence à fleurir . En repartant , un gars me passe pleine balle avec la petit plaque de cadre des Cinglés . Tiens un confère , je passe sur le 50x11 et recolle . Arrivé en bas , il semble hésiter , ça doit être une première pour lui et il faut savoir que Sault n'est pas en bas de la descente, il faut remonter 1 km pour arriver dans le village. On recroise les gars en orange "Business Cycles" qui ont du venir directement ici après être monté par Bedoin le matin. Dans la montée, le gars attaque mode Froome en pédalant à 100 tours / min . Le froid dans la descente m'a fait le plus grand bien ( c'était peut etre un coup de chaud tout à l'heure ) , les jambes sont revenues, je contre-attaque mode Alaphilippe en danseuse et le laisse sur place . Non mais !
Je rejoins mon café "fétiche" pour un nouveau coup de tampon , il est 13h50 . Le régime David n'ayant pas marché , je passe au régime Franck et commande une grosse planche de charcuterie et fromage et une pinte de bière fraîche. Aaaaaahh que c'est bon ! 😀😀.
Moment plaisir , sur la terrasse au soleil , je me régale tout en jetant un oeil inquiet aux nuages qui sont de plus en plus nombreux et noirs. Pourvu que ça tienne jusqu'à 17h . Un coup d'oeil au rader météo , un gros paquet orageux arrive, j'ai du mal à estimer sa vitesse, on verra bien ...
Me voilà parti pour la dernière montée . A peine 3 km et boum , craaacc , badadoum , un coup de tonner fracasant et ça grêle. Je m'abrite du mlieux possible et laisse passer le déluge. Ca commence mal ...
Je repars derrière trois gars kway jaune qui ont la plaque de cadre des Cinglès. Les jambes répondent mieux que bien. D'un coup j'ai le sentiment de pouvoir appuyer à l'envie. Plus besoin de retenir les chevaux, j'appuie sur les pédales et la pente à 5% ici me permet de monter sur 33x22. Sault est vraiment de loin la montée la plus facile car en pente douce sur 20km avant de rejoindre le Chalet . Il tombe de grosses goutes mais ça ne mouille pas trop et définitivement la fraîcheur me réussit mieux que la chaleur. Un gars devant qui monte à 15, allez un petit plaisir , je le passe en accélérant à 30, quel gamin ce JP . Au passage , je comprends mieux d'où viennent les forces de Franck. Le saucisson , y'a rien de tel pour pédaler !
A 2km du Chalet Reynard, on rentre dans le brouillard. Oups , pas bon ça . Je suis inquiet pour le reste de la montée . La pluie s'intensifie soudain et rebadoum en arrivant au Chalet , tonnerre, deluge de grêle , juste le temps de me réfugier à l'intérieur mais je suis déjà bien mouillé. Je commande un thé chaud pour me réchauffer et devant mon coupe vent sans manche le patron s'inquiète pour moi " Vous allez mourir dans la desente !" Il m'amène un sac poubelle en guise de 3ème couche merci à lui . Mais je lui dit que je compte monter , il me resute 6km pour réussir mon défi. "Vous etes fous , la route est fermée il grèle fort au sommet"
Coup au moral . Mettant en avant mes qualifications météo de pilote , j'affirme que le beau temps sera de retour dans 1h 😀 . Je sens comme un doute chez mes interlocuteurs . Le patron décidemment aux petits soins , sort tous les 1/4 h examiner l'évolution de la situation et revient me voir la mine grave " c'est de pire en pire !" . Je reste stoique, puisque je vous dis qu'il va faire beau !
Au bout d'une heure, alors que je commençais à ne plus y croire , il vient me chercher " vous aviez raison, c'est le moment d'y aller !"
Il fait un froid polaire désormais , quel contraste , mais les nuages s'en vont, le temps est clair et j'ai un privilège rare : je monte tout seul sur la route déserte , absolument déserte , plus personne ! Moment hors du temps sur le toit du Monde , j'ai l'impression d'être dans un fim. La remise en route est un peu dure , jambes durcies par le froid , mais ça revient et me voilà tout seul sur la plateforme au sommet . Jamais vu ça . Seflie obligatoire , pas d'autre cycliste ou touriste pour me prendre en photo.
Et voilà c'est gagné ! Il n'y a plus qu'à descendre , mais j'appréhende le moment avec le froid et la route trempée . Je mets en place le sac poubelle entre le coupe-vent et le maillot et c'est parti . J'évite de dépasser les 35 km/h pour ne pas avoir trop de vent relatif. Il fait froid mais c'est supportable. A 1100m dans la forêt , le GPS affiche encore 7°C en plein mois de Juin dans le Sud de la France . Incroyable .
Petit stop à Bedoin pour un dernier coup de tampon + selfie , et voilà , il n'y a pus qu'à envoyer la carte pour homologation et faire partie du club des Cinglés . Reste 10km en faux plat descendant jusqu'à Mazan, les jambes sont super , j'envoie à plus de 40km/h un vrai bonheur .
Me voilà au Gîte . Quelle journée incroyable et pleine de souvenirs, émotions et aventures . Je me sens physiquement très bien , à part le coup de mou dans la montée de Malauçène , j'ai toujours pris du plaisir en pédalant . Une journée magnifique qui restera gravée dans mes bons souvenirs de vélo !