Nicolas suit mon conseil et s'inscrit dans la foulée , je décide d'en faire de même , cela me fera deux 500 km route de préparation avec le Maroc, ce qui me semble une bonne approche. Ludo est malheureusement pour nous, mais heureusement pour lui, en vacances 😀 . Mais Eric decide de s'inscrire aussi, chic on sera trois ! Et même quatre, puisque Benjamin prévoit aussi de venir mais pour faire le 60 km avec ... son petit-fils en remorque , une première !
Comme toujours, les échanges sont nombreux en phase de préparation, c'est une phase très agréable des épreuves ultra où on essaie de penser à tout. Ne riez pas et Eric pourra en témoigner, en ultra chaque petit détail compte et l'expérience joue beaucoup pour ne pas avoir à gérer de galères durant l'épreuve. Ce type de parcours est tellement exigeant qu'il est préférable de pouvoir concentrer son énergie sur le fait d'avancer sans devoir gérer d'autres sujets en parallèle.
Je reconduis la configuration du Gravelman Maroc avec notamment la sacoche fullframe RestRap équipée d'un sac à eau Apidura de 3l dont je trouve l'utilisation ultra pratique. Et la contenance me permet de varier le remplissage en fonction des conditions : 1l à 1,5l de jour, mais 2l la nuit où les points d'eau sont plus dur à trouver. J'avais mis 3l au Maroc , mais la nuit durait 14h contre 8h seulement ici en Mai.
Je commence à bien connaitre les Gravelman, Steven et toute sa sympathique équipe. Toujours un plaisir un plaisir de retrouver cette grande famille dans une ambiance chaleureuse.
J'ai réservé un gîte avec 3 chambres . Eric et Nicolas partent de Lyon pendant que je descend de Paris et nous nous retrouvons tous sur place le jeudi à 17h30 pour récupérer les balises GPS et le check des vélos.
La surprise du jour , c'est qu'en arrivant au gîte , la boite à clefs est bloquée pas moyen de l'ouvrir malgré 10 essais avec le propriétaire au téléphone. Heureusement, il nous envoie les secours qui arrivent en moins de 5 minutes pour nous donner une clef. Ouf !
Nicolas nous a concocté un delicieux gratin de pâtes. On remonte les vélos , quelques petits checks bien utiles puisque je découvre avec horreur que ma fidèle Klamp EXR1100 ne s'allume plus. J'avais déjà eu le souci la veille mais cela avait fini par marcher. Cette fois rien à faire. Je me rabats sur ma lampe de secours, mais la Klamp me manquera . Heureusement, Klamp me repondra dès le dimanche (!) , que la réparation est 100% prise en charge, ce sera donc ok pour la RAF.
Lever à 4h30 pour le petit dej, on quitte le gîte, range les affaires dans les voitures et nous filons au départ situé à 1k au camping de Charlieu ( 42 ) .
Café d'accueil , briefing de Steven et c'est parti ! Toujours un peu de confusion au départ puisqu'il y a 4 parcours qui partent en même temps ( 500 route et gravel. 350 route et gravel ) . Nicolas est à coté de moi , Eric juste derrière mais ensuite , nous ne le voyons plus. On le cherche sans trop comprendre ce qui se passe. Comme nous roulons dans un petit groupe qui file bon train mais à un rythme raisonnable , je me dis qu'il va forcément nous rattraper facilement.
Nous sommes une petite dizaine, ça roule un peu au dessus du rythme de référence que j'ai prévu mais ça reste très raisonnable, pas un souci si on roule quelques heures à ce tempo qui permet de bien avancer.
Si le rythme est tranquille sur le plat , l'homme de tête qui roule sur son vélotaf équipé d'un porte bagage appuie nettement plus fort dès que ça grimpe. Là encore, ça reste dans des zones qui ne demandent pas de forcer outre mesure mais mon GPS affiche 220W , loin des 160-180 qui sont mon objectif en montée pour arriver au bout des 8800 D+. Quand ça pousse trop fort, je lève le pied car ensuite, on le rattrape facilement sur le plat avec nos prolongateurs qui nous donnent un avantage aérodynamique.
Première grosse montée avec le col de la Croix du Sud.
Pour ceux qui ne connaissent pas le Beaujolais, catégorie dont je fais partie, les bosses sont étonnament longues . Souvent entre 6 et 12 km et avec des pentes jusqu'à 15%. Je ne pensais pas que les cols étaient aussi nombreux et longs dans ce coin ! La cassette de 36 à l'arrière trouve toute son utilité. J'ai un peu mal au ventre à partir de 10h et ça va s'aggraver. Quand on aborde la plus longue montée de l'épreuve pour atteindre la Loge des Gardes à plus de 1000m , je ne me sens pas bien du tout. Nausées, fort mal de ventre, jambes douloureuses. Aie, aie aie , il y a un truc du petit dej pourtant classique qui ne passe pas. Je suis forcé de faire deux pauses techniques urgentes et je rejoint le sommet tout blanc en ayant perdu Nicolas au passage. Je commence à m'inquiéter pour la suite.
Je retrouve Nicolas dans le village de Laprugne qu'on avait répéré pour son épicerie. Nicolas a eu la gentillesse de m'acheter une demi baguette ( il ne restait plus de pain ensuite ) . Je me fais un sandwich au jambon que je mange difficilement même si les maux de ventre sont en train de disparaitre. Par expérience, j'emmène toujours des cachets d'immodium qui m'ont encore sauvé. J'avale une bouteille entière d'eau petillante, les diverses ascensions ont fait chauffer la machine. Je remplis mon sac à eau, mange un pain au chocolat en dessert et nous repartons.
Sensations pas très bonnes, j'ai encore les effets secondaires de mes soucis gastriques, avec des jambes dures et douloureuses. En plus il fait plutôt très frais avec un temps gris et venteux Je me dis que l'épreuve pourrait être un chemin de croix ... mais je crois en mon étoile et mon entraînement pour me sauver.
Nicolas pête le feu depuis le matin et appuie bien sur les pédales. Petit à petit le temps s'améliore et les premiers rayons du soleil ont un effet magique. Dans mon tableau de bord interne, je vois les niveaux d'energie passer du rouge au vert rapidement et toutes les douleurs s'en vont. Les jambes fonctionnent à nouveau à plein régime , youpi !
A de nombreuses reprises , nous croisons un concurrent qui s'appelle Colin. Au gré des arrêts techniques, on se passe et se repasse et finalement nous roulons ensembles.
Les routes sont belles , desertes de toute voiture. Le paysage est sauvage, et les genêts sont en fleur partout. Pas la moinde épicerie ou boulangerie en vue. Ca ne doit pas être simple de vivre dans cette région qui semble desertée par les commerces. Il était dix fois plus facile de se ravitailler dans les montagnes de l'Atlas au Maroc que dans le Beaujolais 😳.
On essaie régulièrement de localiser Eric , mais l'application de suivi est très approximative nous indiquant à quelques minutes d'écart qu'il est 15 km derrière ou 70 km derrière. Difficile du coup de savoir quoi faire , l'attendre ou pas.
Colin perd du terrain quand ça monte , et Nicolas commence à manifester des signes de fatigue. Je module le tempo en montée pour l'aligner sur Nicolas.
Vers 17h , nous voyons enfin une épicerie qu'on attendait avec impatience pour une pause goûter. Colin nous y rejoint aussi et on se fait une bonne pause ravitaillement bien méritée. Le secret sur une telle distance et avec autant de D+ est de bien recharger le moteur en carburant.
Je sais que 50km plus loin, on rentrera après Amplepuis dans une zone un peu plus urbanisée où nous devrions pouvoir dîner.
Malgré la pause, les jambes de Nicolas ne vont pas beaucoup mieux, il souffre mais ça tient. Je me dis qu'on se fera un bon resto au chaud pour relancer la machine après le dîner.
Le temps s'assombrit, je vois sur le groupe Whatsapp de l'épreuve une alerte méteo orages entre 18 et 21h . Aie !
Et effectivement, en passant Amplepuis la pluie fait son apparition. Il y a moins de D+ dans cette partie, on appuie sur les pédales pour rejoindre un resto le plus vite possible.
A 19h , on traverse une petite ville , on voit une brasserie pizzeria . Hélas, pas possible de manger sur place , c'est à emporter et sur commande exclusivement. Je trouve une pizzeria que je pense 10 km plus loin. Je réserve et annonce notre arrivée dans 30 minutes. Erreur de ma part sur le kilomètrage réel, en fait c'est 20km. Zut , 30 minutes, ça va pas le faire. Allez on y croit, j'enlève le limiteur de puissance dans ma tête et me lance dans un contre la montre motivé par un dîner au chaud dans un resto sympa.
Ca se complique quand le GPS m'annonce une montée de 5km 😰. Ca ne monte qu'à 7% , je passe en mode Pogacar en envoyant 300W (!) , l'adrénaline aidant. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour un resto bien au chaud ! Je sais que je n'arriverai pas à l'heure mais j'ai en tête de repasser un coup de fil au sommet. Maintenant le tonnerre gronde et un déluge s'abat sur moi juste au moment où je franchis la pancarte de Meaux-la-Montagne. Charmant village et oh miracle : sur ma gauche, non référencé sur la carte , un superbe restaurant tout neuf éclairé !
Je pose le vélo, rentre et une charmante dame me confirme qu'on peut y manger 😀.
Je me poste à l'entrée du resto guettant l'arrivée de Nicolas qui me rejoint quelques minutes plus tard.
Ce resto est un miracle, avec une patronne super sympa et une carte tout aussi appetissante. Ce n'est pas raisoinnable avant d'attaquer une nuit avec 20 cols à passer mais je commande une terrine de campagne et un tournedos Rossinni. Miam !
La patronne propose même des serviettes à Nicolas pour le sécher.
On prend notre temps , la nuit s'annonce difficile. On voit passer sur le groupe Whatsapp une photo des 4 premiers qui sont juste 20 km devant.
Malheureusement les meilleures choses ont une fin, il est temps de repartir à 21h30 . La pluie s'est arretée définitivement mais il fait froid et humide. J'hésite à mettre ma doudoune, mais vu les montées à venir j'ai peur d'avoir trop chaud et effectivement , on se rechauffe rapidement.
C'est là que commence un infernal enchainement de longues montées ( 5 à 12 km ) . Les montées , ce n'est pas un problème pour moi aujourd'hui ça tourne tout seul. Par contre, on se refroidit dans les descentes au niveau des jambes, malgré les jambières. Et quand il faut repédaler , c'est douloureux à chaque fois pendant quelques minutes. J'espère qu'il fera plus chaud sur la RAF , où alors , il faut que je trouve des jambières plus chaudes. A la longue , ça devenait un supplice et ... je détestais les descentes !
En plein milieu de la nuit , on se retrouve sans une soirée mousse géante dans un village. Je me suis demandé un instant si j'avais des hallucinations par manque de sommeil !
Dans la très longue ( 11 km ) montée vers le Col de Crie , on double un concurrent en perdition. A la question ça va , on aura une réponse du style "Arghlglougrrrraahhh" .
Au col de Crie, la carte dit qu'il y a un point d'eau . Mais c'est un lieu touristique , il y a de nombreuses aires de parking . Allez donc trouver un robinet à la frontale à 1h30 du matin au milieu d'une forêt inconnue !. Mais on le trouve . Nicolas m'inquiète, il est gelé . Moi aussi d'ailleurs mais contrairement à lui , j'ai ma doudoune dans la sacohe que j'enfile en tremblant. Nicolas met sa couvertur de survie sous sa veste de pluie en plan B . Conclusion : toujours prendre la doudoune !
Après avoir bien bu et mangé un peu , on repart sous peine de finir gelés et dévorés par les loups du Beaujolais dont Steven n'a pas oublié de mentionner la présence. M'étonne pas qu'il y ait des loups vu tout le gibier qu'on a rencontré et la présence humaine vraiment discrète dans le coin. Mais étonnament, aucun loup ne tentera de nous manger pour son dîner.
On craphute toute la nuit entre montées parfois très raides dont une mémorable vers une chapelle surplombant la Saône.
C'est là qu'en regardant le téléphone je vois un appel au secours d'Eric . Il est en panne de GPS depuis le départ ( voilà pourquoi on l'a perdu ) et nous cherche. Malheureusement, le suivi le localise en pleine pampa, impossible de comprendre où il se trouve réellement .Pendant ce temps Nicolas se demande ce qu'est la masse noire au yeux jaunes qui nous regarde au fond du prè à coté de la chapelle 😱 . Je préfère ne pas y penser, il est temps de repartir , je vous laisse juge de la photo.
Nous repartons, descente aussi raide que la montée vers la plaine de la Saône et la civilisation. On ne reste pas longtemps dans la plaine, ça remonte direct sur 11km .
On arrive au petit matin, il est 5h et on voit déjà des lueurs oranges annoncer le lever du soleil. On double un concurrent , je lui demande si ça va ... sans reconnaître Eric. Difficle de comprendre par quel magie il se trouve là devant nous mais c'est le 2ème miracle du jour , nous voilà enfin ensembles et ça nous booste tous.
Nous arrivons vers 8h à Tramayes, à 110km de l'arrivée où nous trouvons enfin des commerces ouverts. Les boulangeries sont toutes défintiviement fermées comme dans la plupart des autres villages traversés mais il y a un Carrefour express avec dépot de pain et viennoiseries. Nous faisons un petit dej copieux et Nicolas decide de rester au soleil faire une sieste sur un banc, il a besoin de dormir pour retrouver ses jambes .
Je repars donc avec Eric, lui servant de guide puisque son GPS est HS . De mon côté , mon nouveau COROS Dura est le GPS révé pour l'ultra . Il a consommé à peine 30% de batterie à ce stade de l'épreuve et finira à 65% grâce à la recharge solaire
Le D+ annoncé était de 8300m, mon GPS annonce 7800. Soit la fin de parcours est beaucoup plus plate soit le denivelé est supérieur. Connaissant bien Steven, je n'imagine pas trop la première option. Et effectivement, on va enchainer encore de nombreuses bosses, heureusement les plus longues ne sont pas trop pentues mais mentalement, je commence quand même a voir une overdose de montées.On se fait une mini pause au bord d'une bel étang, quand le GPS m'indique 6,9 km de montée à 30km de l'arrivée , le temps de convaincre nos cerveaux d'affronter la difficulté qui finalement se fait facilement 😉
Il fait maintenant chaud , j'ai enlevé toutes les couches pour me retrouver en court. Et je sens que je suis en train de prendre un coup de soleil dans le cou. Le paysage est vraiment très beau sur cette partie du parcours, moins sauvage mais avec des vues magnifiques sur les lacs , les rivières et de beaux chateaux et des pré remplis de vaches et de boutons d'or.
Les jambes tournent toujours bien, Eric a un peu de mal dans les longues montées mais passe les plus courtes en danseuse en envoyant des sacrés watts. Ca fait plaisir de le voir aussi en forme pour son premier 500km, encore une bonne recrue dans la Team ultra 😀
Et finalement, nous arrivons sur une voie verte pour les 10 derniers km , les seuls km de plat de tout le parcours !
Arrivée à Charlieu peu après 14h , avec Benjamin et toute sa famille comme comité d'accueil qui nous a même commandé une bière . Merci Benjamin ! Et félicitations au petit Gabriel , une médaille de Finisher à 6 ans ça doit être un record !
Après un peu plus de 32 heures d'effort dont 26 de roulage. nous voilà finishers avec 8800 D+. Encourageant pour la RAF. Nicolas nous rejoint une heure plus tard. la sieste lui ayant permis de bien récupérer.
Encore une belle aventure et de magnifiques souvenirs et un grand merci à la super équipe Gravelman. On souhaite bonne chance à Steven pour son périple de 15.000 km vers le Nepal !