Jusqu'à 2014 , j'ai été un pur vététiste, repoussant toute idée de rouler sur la route , le coté obscur de la Force Cycliste. Mais l'influence irrémédiable de l'ami Franck et toute sa troupe a fini par me tenter d'essayer en 2014 , d'y prendre goût et d'allonger progressivement les distances. Comme nous étions toujours à l'affût des nouveaux raids VTT avec ma bande de copains , j'avais entendu parler dès 2016 de la French Divide , l'épreuve ultra VTT de plus de 2000km qui traverse la France en diagonale.
Une telle épreuve me faisait réver tout en me n'imaginant pas comment il était possible physiquement de réaliser un tel effort. A l'époque ces épreuves longues distance venues, comme souvent (toujours?) , des Etats Unis se comptaient sur les doigts de la main dans le monde entier. Avec l'apparition d'une nouvelle discipline : le bikepacking. Notre ami David Schuster se lance d'ailleurs dans l'aventure et termine 2ème en 2019 de la French Divide. Performance incroyable mais David est un extraterrestre. Son compte-rendu me donne encore plus envie tout en me faisant peur ( dormir dans des toilettes publiques , bof , bof , bof me dis-je ... ) . Certes David est bien plus rapide - et jeune - que moi, mais le fait qu'il soit capable de cette performance me fait penser que ce n'est pas inaccessible, sans objectif de classement, mais en étant suffisamment rapide pour arriver largement dans les délais.
Et petit à petit , les épreuves se multiplient , y compris sur route , avec la Race Across France qui se crée en 2018 , à l'initiative de Arnaud Manzanini , deux fois finisher de la Race Across America. 42 participants pour cette première édition , mais le nombre de concurrents va vite s'envoler , nous étions 1300 cette année !
Avec les copains du SLC VTT , on se lance dans le gravel et le bikepacking, avec quelques beaux voyages à vélo. Premier apprentissage de la longue distance mais avec des étapes limitées à 200km. Les épreuves se multipliant, on participe a de belles manifestations telles que la Gravel of Legend, Gravel Fever, avec des distances entre 300 et 400km.
Je me rends compte que dans cette discipline, le célèbre dicton "rien ne sert de courir il faut partir à point" est plus vrai que jamais : les plus rapides au départ ne sont pas forcément les premiers à l'arrivée. L'important est de garder un rythme régulier. Sur une Gravel of Legend que je fais en solo, je me fais doubler au bout de 20 km par 5 jeunes qui me tapent sur l'épaule 'courage Papy'. Ils passent trop vite pour que je puisse les étrangler. Mais quel bonheur dix heures plus tard de les rattraper dans une côte et de leur dire "courage les jeunes" 😀 .
Du gravel , je passe à la route en réalisant plusieurs Gravelman ( en version route ) , en solo où avec les copains. Jusqu'à 500km , je sais maintenant comment faire. Depuis sa création, l'objectif de participer à la Race Across France en version 1000km me trottre dans la tête mais plus que la distance , le denivelé autour de 20.000m me semble effrayant, incroybale, surhumain . Comment peut-on avaler une telle dose de D+ sans repos ?
Evénement décisif , fin 2024 , après 35 ans de carrière je décide de quitter PSA devenu Stellantis mais qui ne ressemble plus du tout à l'entreprise que j'ai connu suite à la fusion avec FCA. Cela me laisse plus de temps pour m'entraîner. C'est l'année ou jamais pour réaliser un rêve et boucler la Race Across France. En plus l'année de mes 60 ans. On ne vit qu'une fois ! Je m'inscris donc rapidement à l'ouverture des inscriptions, il ne faut pas tarder, les places s'envolent en quelques jours à peine.
Le parcours 2025 relie Clermont Ferrand à Mandelieu , via les Alpes , avec 18000 m de D+
Pour m'entraîner au D+, je participe à deux épreuves Gravelman à fort dénivelé : en solo au Maroc avec 5000km/7500 D+ et au Beaujolais avec 500km/8800 D+ en compagnie cette fois de Nicolas et Eric. Les deux épreuves se passent très bien , terminées sans difficulté majeure et dans de bon temps de parcours. Les feux sont au vert pour la RAF ( Race Across France ) .
Je me doute que 1000km/18.000D+ sont un autre monde comparé aux 500km. En particulier parce-qu'ayant une bonne résistance au sommeil je n'ai pas besoin de dormir sur 500km mais il sera impossible d'en faire de même sur 1000km ce qui implique une toute autre gestion.
L'organisation de la RAF étant attentive à la sécurité , il est d'ailleurs obligatoire de se reposer 4heures toutes les 36h sous peine de disqualification. Le suivi de la course via la balise GPS utilise d'ailleurs un code couleur pour chaque concurrent ( vert : dans les clous, rouge : pas assez de repos )
Ludo , compagnon de multiples aventures depuis plus de 20 ans est partant, tout comme Nicolas. Chacun se prépare du mieux possible , en fonction de ses contraintes. Nicolas participera notamment au gravelman Beaujolais comme mentionné plus haut, où il souffira d'un départ trop rapide, le piège de toutes ces épreuves où l'enthousiasme du départ est souvent un mauvais conseiller.
On se documente tous sur les bonnes pratiques, cherchant les meilleurs conseils. Les avis sont unanimes , il faut rouler entre 50 et 70% de la FTP maximum , sans jamais se mettre dans le rouge sous peine de ne pas tenir la distance.
Je roule autour des 50% au Maroc et au Beaujolais, ca passe facile, donc je decide de viser plutôt les 60% pour la RAF.
Les épreuves de préparation ont permis de bien valider la configuration du vélo , avec le plus lourd dont l'eau dans une sacoche centrale full frame, une sacoche top tube. Et pour la RAF , je suis obligé de rajouter une sacoche de selle, l'équipement obligatoire étant plus conséquent en particulier pour le bivouac.
Même si ce n'est pas indispensable, pour ma tranquilité d'esprit je décide de monter une roue avant dynamo légère avec le nouveau moyeu DT Swiss SP. Un des enseignements de mon expérience ces 4 dernières années c'est que moins on a de choses à gérer mieux c'est. Une telle épreuve est très consommatrice en energie mentale.
Je fais aussi l'acquisition du GPS Coros Dura , que j'adore : autonomie quasi illimitée avec la recharge solaire, pas de besoin non plus de penser à le recharger pour 1000km , fonctionnement simple et efficace ( bon, il faudra en reparler avec Julien 😀 )
Quelques visios de préparation avec Ludo et Nico , je perfectionne mon logiciel de prédiction de plan de marche avec l'aide de ChatGPT pour essayer d'organiser notre parcours et nos périodes de repos. Bien que je sache que c'est déconseillé ( car cela ajoute une pression pour atteindre un lieu donné ) , on réserve 3 gites : premier dodo , 2ème dodo et arrivée ( on y reviendra ... ) . Vous l'avez vu plus haut , le bivouac dans les toilettes publiques , ça ne me fait par rêver outre mesure 😀
Je décide de prendre mon Origine Graax, vélo de gravel à la base mais très léger et extrémement efficace sur route et la position est la plus confortable, notamment en descente avec le guidon gravel au drop réduit. Révision compléte du vélo , je change tout : transmission y compris le dérailleur, plaquettes, freins purgés, roues neuves montées moi-meme avec moyeu avant dynamo.
Les tests de la dynamo sont très positifs : je recharge à 100% un powerbank 10.000mah en 10h de roulage. Plus que suffisant pour être totalement autonome en énergie. Je rechargerai même une fois la powerbank de Ludo qui n'avait pas chargé la nuit. Ca charge tellement que ma powerbank principale finira par en souffrir ( point à creuser ) : HS à Jausiers , heureusement j'en avais pris une petite de secours finalement largement suffisante.
Dimanche 15 en début d'après-midi, départ avec le vélo et le sac à dos pour rejoindre Clermont en train. Taoufik, notre logeur à Clermont a gentîment accepté de décaler à 13h l'horaire pour rendre l'appartement ce qui nous sera bien utile pour dormir le plus longtemps possible.
Le point délicat avec la RAF comparé à d'autres épreuves , c'est que le départ est à partir de 21h . Je n'en connais pas la raison. Les départs sont individuels, toutes les 30s. Dossard 1082 je partirai à 21h39, alors de Ludo et Nicolas qui ont le 1201 et 1207 partiront autour de 22h40 . Le départ le soir complique la gestion du sommeil car on part avec déjà une petite dette contrairement à un départ le matin. Si certains arrivent à faire une sieste sur la base de départ, impossible pour moi avec l'excitation du départ de la plus grande épreuve de ma vie sportive !
Après un brunch en fin de matinée, on rejoint la base de départ en début d'après-midi . On y laissera nos affaires qui seront transportées à l'arrivée , et nous avons le droit à un "drop bag" que l'organisation dépose dans la base vie à mi-parcours permettant de ne pas transporter de vétements de rechange et de refaire les réserves de produits energétiques à mi-parcours.
Check complet des vélos et de tout l'équipement obligatoire , dans mon cas par Arnaud Manzanini himself.
Suivi d'une petite interview sur les escaliers de la base pendant que Ludo et Nico sont partis à pied à la recherche d'une flasque souple.
Une pasta party est également prévue avant le départ.
19h : grand briefing de l'organisation pour nous passer toutes les consignes et ... il ne reste plus qu'à attendre le départ.
Dans le sas de départ , un concurrent fait tomber mon vélo par mégarde, sans dommage apparent, je n'y prête pas vraiment attention mon esprit est désormais focalisé sur le parcours.
Sauf qu'en regardant ma lampe avant, je vois que l'elastique de fixation à lâché ! Merde ! Je recherche l'elastique de rechange mais dans l'excitation je ne sais plus où je l'ai rangé et il y a plein de poches partout dans mes sacoches. J'assure le coup en utilisant deux colliers rilsan de ma trousse de dépannage.
21h35, je discute avec Alexia , dossard 1081 juste devant moi
J'allume ma caméra embarquée pour filmer le départ : rien ne se passe , elle s'est allumée toute seule dans la chute, batterie déchargée 😰 . Heureusement Ludo est là pour me filmer avec son téléphone !
21h39 : top départ !
22h, j'allume la lampe avant et ... rien ! Ca commence mal ! Je checke le cable, la batterie, en fait ça a bien valsé dans la sacoche avec la chute du vélo. Finalement c'est le cable de liaison de la lampe qui s'est défait, elle s'allume, sauvé .
22h10 : un des colliers rilsan mal fixé lâche, nouvel arrêt pour en remettre un autre. Ca me perturbe tous ces incidents techniques liés à la chute, je n'arrive pas à me mettre dans le ryhrme de la course du coup.
22h20: indexation des vitesses déréglée aussi , nouvel arrêt pour régler à nouveau le dérailleur en priant que je puisse enfin penser juste à rouler.
22h30: il fait maintenant nuit noire, tout fonctionne à nouveau correctement sur le vélo , petit à petit je rentre dans ma course . 4km de retard sur mon plan de marche du fait des petits soucis techniques, anectodique à l'echelle de la course mais bon, ça ne commence pas comme prévu.
Ludo et Nico étant 1heure derrière. j'adpte un rythme tranquille, l'idée est de se rejoindre au petit matin.
La grosse chaleur de la journée fait place à une vraie fraîcheur, bien plus que prévu, d'autant qu'on prend rapidement de l'altitude avec un premier col à plus de 1000m qui débute à peine 25km après le départ. Une pensée pour Nicol qui voulait laisser tomber tous les vétements chauds, heureusement qu'il ne l'a pas fait. Nouvel arrêt , j'avais oublié de mettre jambières et manchettes sur moi au départ , je m'arrête pour m'équiper en haut du col et j'ajoute le gilet themique pour la descente.
Au gré des arrêts des uns et des autres , je vois souvent les mêmes têtes autour de moi . Un oeil au classement , je suis inquiet de voir que suis au délà de la 200ème place ( sur 382 ) . Depuis le départ , je roule sans forcer mais quand même à une bonne puissance , supérieure à ce que j'ai fait sur les épreuves précédentes. Le niveau semble donc très élévé sur cette course, pas forcément étonnant c'est une des plus connues au monde et la participation est internationale.
Comme il y a beaucoup de néophytes ( sondage au briefing ) , je soupconne quand même que beaucoup vont avoir des surprises sur la suite, on verra bien.
Alerte rouge : une douleur très inhabituelle au genou droit est en train d'apparaître , ca ressemble à un début de tendinite. Comment est-ce possible ? Cela ne m'est jamais arrivé depuis que je fais du vélo !. Ce genre de douleur vient d'un problème de position. Et si ma selle avait bougé dans la fameuse chute du vélo au départ ? Je m'arrête et je me rends compte que la selle a pivoté en arrière , l'angle n'est plus bon , elle a aussi reculé. Heureusement, le chariot est gradué, je peux donc la remettre précisement en bonne position. Je repars avec le stress que cela s'aggrave. J'ai en tête de nombreux récits de concurrents ultra ayant abandonné pou ce type de problème.
4h du matin, le réservoir centrale de la sacohe est presque vide, je m'arrêtee sur la place d'un village où de nombreux concurrents sont en train de remplir leurs gourdes.
J'en profite aussi pour manger le sandwich acheté avant le départ, je sens que l'energie commence à diminuer. Cet arrêt un peu plus long me permet d'entendre deux voix connuees : Ludo & Nico arrivent, ils ont bien gazé depuis le départ ! Voilà la fine équipe réunie.
Nous repartons de concert, direction le Mont Gerbier de Jonc source de la Loire , culminant à 1600m. La montée se fait par paliers et est longue , presque 30 km . Avant ce col , on a une période de transition avec un terrain plutôt roulant, nous sommes a peu près sur le plan de marche prévu , tout va bien, déjà 140km de parcourus, on remonte dans le classement.
Dès 5h , la nuit commence à s'effacer avec les premières lueurs de l'aube et c'est sous un grand soleil et ciel bleu que nous attaquons la montée du Mont Gerbier de Jonc. Nous roulons de concert avec Ludo , à la puissance cible que nous nous sommes fixés ( 60 à 70% FTP soit entre 170 et 180W en montée ) . Nicolas est juste derrière nous. Je le vois soudain nous dépasser , du coup , je monte un peu les W pour qu'on reste ensemble mais il appuie trop fort, je me dis qu'il doit vouloir prendre une photo . Bon, l'histoire revelera par la suite que j'ai confondu Nicolas et un autre concurrent et du coup en accelérant on l'a un peu distancé ! 😰
La montée est très irrégulière, ca varie entre 2 et 10% . A l'approche du sommet , la chaleur augmente et j'ai un gros coup de fatigue. Mes yeux papillottent ( rappel : on est levé depuis plus de 20h consécutives déjà ) . Je laisse partir Ludo, et je fais une pause à l'ombre juste avant le sommet . Petite sieste de 10min, je finis le sandwich, mange un gel , je bois bien . Ca va tout de suite beaucoup mieux en repartant.
Nous voilà dans une descente magnifique et fluide : large , revetement parfait, ça file pendant 50km , avec evidemment quelques raidars au milieu sinon ça ne serait pas drôle.
Nous voilà donc désormais en Ardèche que l'on va traverser rapidement avec ce profil descendant. Dans la descente, je dois m'employer pour suivre une jeune concurrente en jaune qui a un sens incroyable des trajectoires. Il me faut relancer en pédalant pour la suivre alors qu'elle ne donne pas le moindre coup de pédale !
Dans ma tête , Nico est loin devant et Ludo doit être à quelques kilomètres . Mon but est Alba la Romaine , où j'ai repéré à l'avance epicerie et boulagerie pour un stop alimentation. Jusque là , nous avons roulé sur des petites routes desertes sans rencontrer le moindre commerce.
Je rejoins Alba la Romaine , km 258 vers 10h30. Nous voilà dans le Sud 😀.
Je mange devant une épicerie qui a des tables et de l'ombre , en compagnie d'un autre concurrent. Il était dans le groupe de tête mais a du ralentir à cause d'une sciatique . Je descends trois bouteilles de San Pelligrino de 50cl, la chaleur est bien monté accompagnée du champ des cigales . J'ai acheté de quoi me faire de beaux sandwichs , des fruits et des yaourts.
Ludo est arrété dans un autre village , nous repartons chacun de notre coté et on se donne rendez-vous dans l'après-midi à Vaison la Romaine.
Ce passage dans l'Ardèche puis la Drome est plus facile , il y a moins de denivelé et un vent favorable. J'avance bien, avec des paysages magnifiques le long du Rhône
L'arrivée dans la Drôme correspond aussi à l'arrivée de champs de lavande en fleur. Aussi agréable pour les yeux que le nez.
Il commence par contre à faire beaucoup plus chaud , et la route se transforme en montagnes russes au fur et à mesure que l'on progresse vers Vaison la Romaine.
Ludo qui n'était pas loin met le turbo pour me rejoindre avant Vaison ce qu'il réussit à faire dans la descente de la dernière bosse difficile avant le but. Bosse que j'ai eu les plus grandes peines à monter : raide , en plein soleil , un enfer ! Je m'arrête à chaque fontaine pour me mouiller ainsi que la casquette que je porte sous le casque pour me protéger du soleil. Je sens mes forces décliner rapidement à ce moment . Cela m'inquiète , car l'objectif du jour est de passer la Montagne de Lure , une des difficultés majeure du parcours , soeur jumelle du Ventoux. A cet instant précis je me sens incapable d'une telle ascension mais je sais que les forces peuvent revenir vite avec une bonne pause et en mangeant un vrai repas.
J'aurai d'ailleurs la même sensation tous les jours en fin d'après-midi , un effet clair de la chaleur sous laquelle nous avons réalisé le parcours.
J'ai toujours - un peu - mal au genou . Ca tire, mais seulement au dela de 190W ce qui à ce stade n'est pas trop genant et mystérieusement si je me mets en danseuse, je ne sens plus rien. J'utilise donc la danseuse dès qu'il faut mettre de la puissance.
Arrivée à Vaison la Romaine, km 330 . On s'arrête dans une créperie où la patronne adorable me sert deux énormes crêpes, agrémentées de coca, de San Pellegrino et de bouteilles d'eau pour remplir le réservoir de la sacoche centrale . Il fait 3l , je le remplis en fonction de la présence des points d'eau sur le parcours , en essayant de ne pas trop alourdir le vélo , donc ça varie entre 1.5l et 3l . La consommation est astronomique, du jamais vu pour moi . De l'ordre de 4l aux 100 km . Et oui , le moteur à eau existe !
On prend le temps d'attendre Nico qui nous rejoint vers 17h. Nous en profitons aussi pour acheter notre repas du soir que l'on transportera sur le vélo pour le manger avant la Montagne de Lure. Je vais aussi à la pharmacie acheter une pommade anti-inflammatoire pour le genou.
Nico nous propose de repartir sans lui , il a besoin d'un temps de pause supplémentaire et nous rejoindra au gîte.
Après presque 2h de stop , ça va beaucoup mieux , les jambes ont retrouvé 100% de leur capacités , la Montagne de Lure n'a qu"à bien se tenir. Le corps humain a des ressources incroyables, c'est une des leçons que j'ai apprises ces dernières années sur les épreuves longues : on peut être mort , au bout de sa sa vie mais ça ne veut pas dire qu'on ne sera pas à nouveau en super forme si on prend le temps de manger et de se reposer.
Nous voila dans les Barronies, on a le Mont Ventoux en vue mais c'est sa soeur jumelle qui est au programme. Malgré tout, les 80km pour rejoindre le pied de l'ascension sont difficiles, avec trois cols de 6 à 10km, dont le col de Macuegne qui se révèle bien plus difficile qu'annoncé, les données de profil étant fausses sur nos GPS ( 150m de D+ par rapport à ce qui est annoncé y compris sur OpenRunner )
Nous passons Montbrun à l'heure où les terrasses sont pleines, de nombreux concurrents ont choisi d'y dormir mais nous continuons.
Arrêt diner à Saint Vincent sur Jabron prêt d'une fontaine où nous dévorons nos sandwichs.
A notre connaissance , il n'y en a pas en France , on se dit avec Ludo que ça doit être autre chose. Après vérification au retour , et bien si, il y a maintenant des ratons laveur dans la nature en Europe. Certainement des émigrants pour échapper à Donald Trump 😂.
L'heure avance, Ludo exprime des doutes sur notre capacité à rejoindre le Col des Champs dans un horaire compatible avec un bivouac réparateur. D'autant qu'il n'a pas de masque pour dormir, il faut donc laisser assez de temps avant le lever du jour qui commence dès 5h du matin. Comme je suis du genre tenace et que je me sens super bien à ce moment, j'argumente et on a du mal à se mettre d'accord.
Bon, en attendant on continue.
Après une nième montée, on approche de Saint Andre des Alpes. Je jette un oeil à l'heure, et il faut se rendre à l'évidence : Ludo a totalement raison , il faut rester raisonnable qui veut aller loin ménage sa monture.
On prend donc la bifurcation vers Saint André où nous trouvons de l'eau et une belle zone de bivouac sur la place principale.
Premier bivouac en Bivy pour nous. L'équipement soigneusement selectionné s'avère très confortable. Moi qui suis ultra sensible du dos , aucune douleur au réveil après 3h de sommeil réparateur.
Il y a un bar et une patisserie, la patisserie vend les meilleurs viennoiseries que j'ai eu l'occasion de manger . Une tuerie ! Avec un double expresso / jus d'orange au bar , la journée débute très bien 😀 . Très joli coin d'ailleurs Saint André des Alpes , il faudra y retourner.
On reprend le parcours, avec la fin de la descente puis un passage dans une belle vallée pour rejoindre le Col des Champs en début de matinée. Une voiture vient à notre hauteur pour nous encourager, beaucoup de gens semblent connaître la RAF et sa difficulé. Sympa, ça fait plaisir !
On dépasse un concurrent monté sur un Lapierre Vintage à fourche acier en arrivant au pied du col. Petite erreur de parcours , on loupe un virage que l'autre concurrent n'oublie pas de prendre. Il oublie par contre de nous faire signe le rascal. Les GPS bipent, on revient rapidement sur le bon parcours et Ludo le remercie ne ne pas nous avoir prévenu. Bon, 99% des concurrents sur ultra sympa , ce type d'épreuve est une oasis un bienveillance dans un monde de brute. Mais il y a toujours une exception .
On le repasse, puis un concurrent rapide nous double. Notre fameux ami lui emboite le pas, ils montent à 200W. On pourrait suivre mais on le paierait surement plus tard, donc on reste dans nos objectifs de puissance. Ce col est magnifique : champètre, plein de fleurs, vraiment très agréable et la vue devient superbe au fur et à mesure qu'on monte.
Ludo a un petit temps plus faible, je prends un peu d'avance et .... je reviens au 3/4 d la montée sur Annis , le fameux adversaire. Notre technique de montée au capteur de puissance fait donc ses preuves, j'étais à peu près sur qu'il ne tiendrait pas le rythme. Son vélo fait un bruit d'enfer, il m'explique que son moyeu arrière est HS depuis la veille. Comme je ne suis pas rancunier, on discute . Pas si antipathique que ça Annis en fait , il est surtout fatigué . On se prend en photo mutuellement au sommet , vite rejoint par Ludo. De nombreux concurrents font une petite pause ici pour contempler les beaux paysages. Des chemins de gravel passent en contre bas et nous sommes nombreux à se dire que cette montée doit être sympa aussi en gravel.
Belle descente fluide et rapide où Ludo prend de l'avance. Je le rejoins en bas où il en profite pour enlever les couches superflues pour attaquer un gros plat de resistance : le Col de la Cayolle. Le plus dur en pourcentage moyen dans le tryptique Col des Champs/Cayolle/Bonnette.
La montée commence quasi immédiatement , d'abord en pente douce ( 3/4% ) sur les premiers km jusqu'à rejoindre le "vrai" pied de la montée.
Ludo s'arrête dans un village au pied du col sur une terrasse, pendant que je décide de continuer, je me sens bien et je suis un peu obsédé à l'idée de boucler les trois cols dans la journée afin d'avoir une dernière journée plus "soft" en terme de dénivelé .
Il est costaud ce col de la Cayolle . Pourcentage moyen à plus de 7% , mais compte-tenu de la première partie en pente douce , c'est plutôt du 8/9% constant sur les 17 derniers kms. Le tout par 35° à l'ombre, c'est du costaud et ça fatigue bien. En surchauffe, je fais une pause à l'ombre près d'un torrent où je mets la tête sous la cascade trempant bien aussi le maillot la casquette. Ca fait un bien fou.
Je me fais doubler par quelques concurrents qui montent plus vite, mais s'arrêtent tous les 2 km. Je les verrai repasser 10 fois et on rejoint finalement le sommet en même temps. Comme quoi il y a plein de techniques différentes. Moi c'est plutôt la version diesel 😀 . Pendant la montée, un concurrent me dit " il y a un bar à 2km" . Je visualise déjà le Perrier frais. Pas de bol il est fermé le bar , mais il y a une fontaine sur le parking avec de l'eau bien fraîche qui fait le job.
Un concurrent qui est là depuis 1/4h avec le pied sous l'eau pour le faire dégonfler m'aide à remplir le réservoir du vélo ainsi que ma flasque souple fixée sur le gilet .
Après un long effort, voilà enfin de le sommet. Avec la chaleur , j'ai laissé beaucoup de forces dans cette montée. Je fais une bonne pause pour être en forme pour la descente qui s'annonce longue.
La première partie est assez étroite et technique , je descends avec un groupe de touristes équipés de vélos electriques. La fin de la descente est plus large et rapide.
Il fait toujours aussi chaud, et même de plus en plus. La descente nous mène à Barcelonnette puis Jausiers 7km plus loin où se situe la seconde base vie au pied de la Bonnette.
Lors du briefing de départ, l'organisation nous a prévnu que la base vie de Jausiers n'était pas "une vraie base vie" . C'est juste un ravito en gros nos ont-ils expliqué, pas de dortoir , sanitaires etc ....
Echaudé par la base de Dignes, je m'attends donc au pire visualisant une table avec des abricots secs au bord du chemin. Je décide de m'arrêter dans un resto à Barcelonnette pour assurer un bon repas reconstituant. Nous sommes nombreux à avoir eu la même idée, il y a plein de raffeurs déjà attablés.
Il est 15h30 , il ne reste plus grand chose mais le patron me propose un panini. Pendant qu'il le préparer , je déguste un Perrier frais sur la terrasse et je vois Ludo arriver pour me rejoindre.
Comme toujours cette pause fait beaucoup de bien , nous repartons pour quelques minutes direction Jausiers sur un profil globalement descendant.
Arrivée à la base vie qui se révéle .... top . Dans un beau batiment climatisé, avec des sanitaires propres , une dame bénévole ultra sympa et efficace qui nous prépare des sandwichs frais et tout ce qu'il faut pour se restaurer. Je fais encore un sort aux pastèques et aux bananes . La dame me prépare des sandwichs coupés et emballés pour le diner. Cool ! Julien nous a rejoint et on mange ensembles.
J'en profite pour vérifier la charge de ma powerbank pour la nuit. La dynamo charge la powerbank qui elle alimente en USB ma lampe avant ( Klamp EXR 1100 ). Gros intérêt du montage : à moyenne puissance d'éclairage suffisante dans 99% des cas , la dynamo charge plus que la lampe consomme , donc autonomie d'éclairage infinie.
Sauf que : malgré le régulateur de la dynamo ( Igaro D2 , le top du top il parait ) , la vitesse de la descente semble avoir généré un courant de charge trop elevé pour la powerbank ! . Elle est HS est ne débite plus de courant, le temoin de charge indique 100% mais clignote bizarrement. Merde ! Plus d'éclairage. Enfin pas vraiment ; j'ai bien sûr ma frontale Stoots, et j'ai une petite powerbank de secours que je m'empresse de charger et brancher sur la dynamo en priant pour que ça tienne.
Ludo va en ville à la recherche de boules Qies, je tente de trouver une powerbank pour assurer mais rien de dispo , trop petit village.
La news du jour c'est que des orages sont annoncés dans le coin. Avec beaucoup d'infos contradictoires. Pas d'alerte du PC sécurité et les bénévoles nous disent que ça passe ce soir sur la Bonnette, juste un risque d'orage sec. Ludo a envie de se reposer et moi j'ai envie de passer la Bonnette avec toujours cet obnectif d'une dernière journée sans grand col.
Pour être transparent mais je ne rentrerai pas les détails , j'ai aussi reçu des mauvaises nouvelles personnelles par SMS. Ca tourne dans ma tête depuis des heures et j'ai envie d'arriver au plus vite.
Ludo reste donc pour dormir, pendant que je prends la route pour monter ce col impressionnant qui culmine à 2802m , plus haute route d'Europe.
Dès le début de la montée, je vois les nuages noirs et j'entends des coups de tonnere lointains. Julien passe, il commence à pleuvoir. On s'arrête pour mettre les vétements de pluie , le soleil revient 😀 . Vu la chaleur, nouvel arrêt pour tout enlever.
Julien est plus en forme que moi et me distance petit à petit. L'orage, le moral en berne combinés vont faire de cette montée un des pires calvaires de ma vie. Des larmes coulent, je suis fatigué , vidé d'un coup. Mais je continue de pédaler au prix d'un effort mental surhumain. Je suis seul dans cette montagne impresionnante et minérale, avec le soleil qui se couche petit à petit. J'ai l'impression d'être sur une planète inconnue. Sensations étranges dont je me souviendrai toute ma vie. La pente est parfois plus dure, mes jambes tirent , c'est dur. Mais l'espoir est de l'autre coté de la montagne , je dois y arriver, je vais chercher tout au fond de moi des ressources inconnues pour avancer. C'est une expérience personnelle particulière, je repense aux 6 derniers mois , à ce départ de Stellantis si frustrant même si réalisé dans de bonnes conditions, à ces mauvaises nouvelles que j'ai peine à croire . Je dois rejoindre ce sommet pour basculer dans la descente et démarrer une nouvelle phase , non seulement de la course mais de ma vie d'homme. Tempête dans une tête pendant que l'orage gronde.
Je suis poursuivi par un nuage de mouches , elles sont des centaines, c'est un enfer. Je garde la tête baissée pour ne pas les avaler tout en tentant de les chasser de la main mais elles reviennent. Heureusement, avec la nuit qui tombe, la convection est terminée et les nuages se dissolvent. L'atmosphère lourde redevient normale et les mouches disparaissent enfin.
Je dépasse une concurrente qui tourne les jambes très doucement sur un developpement manifestement trop gros. Je l'encourage et cette petite rencontre chasse un peu les idées noires. Les jambes reviennent un peu aidées par un gel, je tombe quelques dents et accélère en danseuse. Même methode que pour la Montagne de Lure, j'ai désormais envie d'arriver le plus vite possible et je passe de 150 à 200W gagnant plusieurs km/h.
Je rejoins Julien et un autre concurrent au sommet , non sans avoir failli tomber à cause de cailloux eboulés . Julien m'informe que le PC securité nous a appelé , la descente est fermée , l'orage est tombé de ce coté et il y a de la neige, des eboulements et des inondations. Je ne captais rien dans la montée, et effectivement j'ai un message du PC sécurité sur mon répondeur. Je les rappelle, ils me disent de ne pas bouger.
Ben voyons , je ne vais pas passer la nuit ici à 2802m ! Sinon tu peux redescendre me dis Sebastien du PC sécurité. Ah non les gars, je ne vais pas redescendre la plus dure montée de ma vie ! Bon , on voit avec les gendarmes et on te rappelle.
Entre temps , Marielle, la concurrente doublée dans la montée arrive à son tour. C'est le moment que choisit ma lampe pour s'éteindre : plus de batterie , la dynamo ne charge pas dans une montée à 6/7 km/h . Pas dramatique , j'ai toujours la frontale mais ça commence à faire beaucoup de problèmes en même temps. Normalement, la dynamo devrait recharger suffisamment la powerbank en quelques km de descente donc tout espoir n'est pas perdue. Mais vu que qui semble se profiler dans la descente, c'est quand même pas idéal.
Je sors toutes les couches y compris la doudoune.
Le PC me rappelle : les gendarmes ont dégagé la route, on peut descendre mais avec prudence car il y a de la neige, des inondations . Marielle me propose qu'on descende ensembles pour profiter de son éclairage 100% fonctionnel ce que j'accepte avec grand plaisir.
C'est partir prudemment pour la descente. Effectivement on roule dans la grêle fondue , puis parfois dans 10 cm d'eau. Impossible de prendre beaucoup de vitesses, du coup c'est très fatiguant car on est sur les freins. Au bout de 4km à peine, je peux de nouveau alimenter la lampe , ça va déjà beaucoup mieux et j'ouvre la route pour Marielle.
La descente fait 70km , mais heureusement , il y a Saint Etienne de Tinée au bout de 20km. Après 10 km de descente , on peut lâcher un peu les vélos , le gros des dégats causés par l'orage est passé. On rejoint Julien et un autre concurrent à l'entrée de Saint Etienne.
Je décide de m'arrêter dormir alors que je comptais initialement aller jusqu'en bas des 70km. Je suis épuisé par le stress des derniers evenements. Je trouve une aire de jeu pour enfants avec un sol souple, trop fatigué pour gonfler le matelas , je m'endors 2h dans le Bixy avec la doudoune après avoir avalé un paquet de noix de cajoux et les sandwichs proposés par notre bénévole de Jausiers.
Malgré les boules Quies, je note que j'ai choisi un endroit à 50m du clocher qui ne manque pas de sonner les heures 😨.
Réveil à 3h , je ne me sens pas si mal. Je remballe le matériel et je reprends la route. J'ai juste gardé le gilet thermique que j'enlève car ça monte pour sortir de Saint Etienne , j'ai trop chaud. Je n'aurais pas besoin de le remettre pour les 50 km de descente ( légère ) qui suivent . Il fait bon cette nuit . Je pédale dans la descente pour maintenir les jambes en température et la vitesse oscille entre 30 et 50km/h pendant 2h.
Ca remonte bien la moyenne, à ce train là , je devrais arriver en début d'après-midi à Mandelieu.
Je n'ai pas trouvé de point d'eau à Saint Etienne de nuit, les réserves diminuent. J'ai une application spécialisée sur mon téléphone ( Organic Maps ) , je repère un point d'eau à Touet sur Var qu'il ne faudra pas louper.
On est passé de 2800 à 400m d'altitude. Nous voilà dans le Var, mais il reste maintenant 7 cols moyens jusqu'à l'arrivée. 2500m de D+ sur les 18.000 de l'épreuve. Rien d'insurmontable mais pas anodin quand même .
Au moment de repartir impossible de retrouver mes lunettes ! J'ai du les poser qqpart . On cherche , rien . Pas possible de rouler sans lunettes avec ce soleil , j'en rachête une paire au bureau de tabac pour 15 euros , ouf.
J'ai aussi perdu mes gants courts depuis la veille.
C'est reparti pour le rush final . Chaleur extrème aujourd'hui mais paysages extraordinaires sur la route des Trente Pas .
Le premier col de profil , les jambes tirent et la couine un peu dans la transmission. Arrêt à l'ombre pour mettre de l'huile . Deux concurrents passent et m'interpellent " allez viens avec nous on t'attend !" . Je monte sur le vélo et les rejoints. Dimitri et un ami sont sur le 2500 , ce que je vois à leur plaque de cadre jaune ( orange pour nous ) . On discute , et ça me fait tout oublier : mes jambes et les soucis. Comme quoi le moral est la clef de tout. Je réalise aussi que le 2500 c'est un autre niveau : ils montent à plus de 200W et m'expliquent que c'est leur rythme de base. Magiquement, le simple fait de les avoir rencontrée et leur sympathie a totalement restauré mes forces. Je n'ai aucune peine à les suivre et comme nous somme sur le rush final , plus la peine de limiter le régime. On va rouler ainsi 2h , montant les premières difficultés de la journée sur un gros tempo qui me permet de rattraper de nombreux concurrents qui m'avaient dépassés précedemment.
On rejoint aussi une concurrente accompagnée de deux autres concurrents. Il s'agit d'Alexia , dossard 1081 qui était juste devant moi dans le sas de départ et s'était inquiétée de ne pas voir de bidons sur mon vélo
Etonant de se retrouver au bout de 900km alors que nous sommes partis à 30s d'intervalle.
Arrêt fontaine, la dernière avant longtemps sur laquelle l'organisation avait attiré notre attention . Dimitri et son copain ne s'arrêtent pas.
Vers 11h , je vois une terrasse de resto en contre-bas de la route avec une rampe d'accès . J'y apercois des concurrents, je fonce dans la rampe . Tiens c'était pas une rampe mais un escalier. Sous le regards etonné de mes collègues , je degringole les marches à pleine vitesse , validant ainsi la qualité de mon montage roues qui resistent parfaitement. Tout le monde evacue la terrasse pensant que je vais foncer dans le temps mais j'arrête tranquillement le vélo que je pose à l'ombre.
Super accueil , je commande un sandwich crudités et 2 bouteilles d'1l de San Pellegrino .
Bien reboosté , je quitte l'endroit 1h plus tard et je me retrouve avec Julien pour les dernières montées. Je reste sur le rythme "Dimitri" , j'ai des super jambes en montées aujourd'hui alors que j'ai du mal sur le plat, parfaitement incompréhensible mais bon, c'est comme ça . Je finis donc pas distancer Julien dans l'avant dernier col.
On "descend" ensuite vers la Côte d'Azur sur une sorte de faux plat avec un fort vent de face où j'ai l'impression d'être scotché.
Je vérifie où se situe le 4ième de ma catégorie. 110 ou 120ème au classement général , aucune importance mais mon ego se satisferait bien d'un podium de ma catégorie d'âge où j'occupe la 3ième place. Bon j'ai le temps , il est 50km derrière, je m'accord une petite sieste , j'ai vraiment de mauvaises sensations dans ce faux plat.
Je repars au bout de 20 min, ça va un peu mieux mais c'est pas la forme quand même . Nouvel arrêt dans un bar pour un Perrier rapide , où je retrouve des concurrents que je vois depuis le départ , on est au même rythme.
Reste plus que le dernier col avant Mandelieu , le Tanneron .
Je reconnais les paysages de mon enfance , Cannes est un haut lieu de l'histoire de ma famille et j'y ait été en vacances pendant de nombreuses années enfant et adolescent. Je n'y suis retourné qu'une fois depuis. Reconnaître tous ces paysages génére beaucoup d'émotions, de souvenirs . J'ai toujours les mauvaises nouvelles personnelles qui tournent dans ma tête c'est une explosion d'émotions. Au passage il fait une température dingue mais heureusement ça descend presque tout le temps jusqu'au Tanneron.
J'ai un gros coup de chaud avant le Tanneron. J'avance au ralenti. Je vois un camion buvette et j'achête une bouteille d'eau fraiche pour m'asperger ainsi que mon énième Perrier de la journée. L'eau fraiche me fait un bien incroyable. A ma grande surprise je passe en 5 min du mode au bout de ma vie à la pleine forme. Au début du Tanneron, je pousse en danseuse sur un gros développement, le vélo accélère mais j'arrive ensuite à maintenir la vitesse et le développement au moment de me rasseoir. Ce doit être la joie d'arriver qui me booste. Je monte donc le col a une très bonne allure, le GPS m'indique 230W .
Et enfin , le sommet ! Yes , ça descend jusqu'à Mandelieu !!!! Biiiiiipp me dit le GPS au bout de 100m de descente : erreur de parcours . En fait le Tanneron est en deux morceaux , il reste 3km de montée et ce sont les plus raides sur le premier 1,5km . Zut . Bon , allez on remet les watts une dernière fois et cette fois c'est bon ! Ca descend jusqu'à l'arrivée qu'il est temps de rejoindre car le ciel est orageux.
La conjonction fatigue - moral - chaleur - arrivée est explosive . Je m'entends hurler au passage du panneau Mandelieu et les nerfs lâchent , je pleure toutes les larmes de mon corps , un moment très fort dont je me souviendrai pour toujours.
Quelques minutes plus tard , je suis à l'arrivée . Photo finish , Tee-shirt et trophée finisher . 122ème au classement général , 3ième U64 en 3 jours et 19 heures . Je retrouve une nouvelle fois Julien et on convient de dîner ensemble avec Ludo qui devrait arriver dans les 2h qui suivent.
J'ai juste le temps d'aller à l'appartement loué pour prendre une douche et me changer et retrouver Ludo qui arrive.
S'en suit un excellent dîner avec Julien , Ludo et un autre concurrent très sympa . Super resto où je mange un très bon hamburger / salade / frites de patates douces, avec evidemment une bonne pinte de bière bien méritée .
Nicolas arrive en fin de soirée .
Trois amis , trois finishers 😀
Nicolas étant attendu par sa soeur, nous en profitons pour aller boire une nouvelle bière à une terrasse tous les quatre, on s'était promis de le faire à l'arrivée.
Reste à rentrer en TGV via Cannes . Je m'arrête pour prendre une photo de Midi Plage, notre plage préférée il y a maintenant 50 ans de celà. Ca n'a pas beaucoup changé, je vois des fantômes souriants m'accueillir.
Epilogue : le retour à la maison est rapide , 5H en TGV direct . A l'arrivée, il faudra affronter les soucis persos mais l'histoire est belle et tout se terminera finalement bien. Tout cela fera de cette RAF un moment particulier que je n'oubierai jamais. Plein de souvenirs très forts , une charge emotionnelle incroyable et au final une expérience unique, une aventure de vie inoubliable.
Bilan de cette RAF
-Le vélo et l'équipement étaient parfaits : rien de superflu , j'ai tout utilisé , même les solutions de secours comme les colliers rilsan ou la 2ème petite powerbank en backup.
-Bien content d'avoir pris mon Origine Graax, le développement mini en 31x36 a été bien utile à plusieurs reprises avec en particulier le fatigue liée à la chaleur qu'il était difficile d'anticiper à l'avance vu la météo des derniers mois.
-La prochaine fois , je mets les rehausses 5cm au lieu de 2.5 cm sur mes prolongateurs : avec la fatigue, je n'arrivais plus à tenir la position basse sur la fin du parcours.
-Le plan de marche était optimiste, mon logiciel de planification perso est bien calibré pour un 500km , mais l'histoire est différente sur un 1000. Les temps de repose prévus étaient sous-estimés , en particulier avec la météo qui a ajouté de la fatigue. Mais on a quand même bouclé comme prévu le parcours en moins de 4 jours.
-1000km , ça n'a vraiment rien à voir avec 500 . La gestion du sommeil en particulier change complétement la donne , du moins à notre niveau . Pour les premiers qui bouclent le parcours en 2 jours , la différence est sans doute moindre.
-Pas ou peu de douleurs à l'arrivée , mais elles ont commencé à apparaitre le sur-lendemain. A ce stade , ca ne me donne pas envie d'essayer de plus longs parcours , il est plus tout jeune le monsieur comme nous l'avait dit un passant croisé avec Ludo sur une sortie bikepacking, il faut rester raisonnable.
-Le parcours était magnifique, merci Pascal Bride . Je m'attendais par contre à mieux coté organisation en particulier les repas sur les bases de vie. Mais rien de redhibitoire, de toute façon ce sont des épreuves en autonomie.
Au final, cela va rester une aventure incroyable, qui m'a fait aussi beaucoup de bien après les évenements professionnels de la fin de l'année dernière. Comme si cela m'avait permis de touner une page pour aborder une nouveau châpitre de l'aure coté du sommet de la Bonnette. Je ne suis pas près d'oublier cette montée ni la descente !
Merci à Ludo , Nicolas, Julien , Mareille, Alexia , Dimitri , tous les concurrents tous plus sympas les uns que les autres croisés sur cette épreuve où la bienveillance et l'entraide sont de rigueur.
Et Dieu que nous avons de la chance de vivre dans un si beau pays !