Au mois d'Avril , l'ami Franck me pousse un lien pour s'inscrire à une nouvelle course Ultra organisée par Michelin ... au départ de Brétigny et en direction de Clermont-Ferrand. Je me dis que je ne peux pas la manquer . Une grande épreuve avec un départ à 200m de la maison c'est un luxe incroyable !
Cette course est un morceau d'histoire . Elle a été créee en 1890 par Michelin qui venait d'inventer les pneus demontables et voulait en faire la publicité. Pour la première édition ils avaient d'ailleurs semé des clous sur la route ce qui vaudra à l'épreuve le surnom de "la course aux clous" . En pleine relance de son activité pneus vélo, et à l'initiative d'Emilien un ingénieur de Michelin , l'épreuve est donc recréée cette année. Franck , bien que méfiant vis à vis des longues distances, est prêt à s'inscrire sur cette épreuve de 400km. L'erreur a été de ne pas s'inscrire tout de suite. En pleine préparation pour la Race Across France à l'époque , je garde le sujet dans un coin de ma tête avec l'idée de m'inscrire fin Juin.
Mauvaise surprise : l'épreuve a eu un succès fou et c'est complet fin Juin. Par chance, l'organisation décide finalement d'ajouter des places . Je.parviens à m'inscrire avec Richard , préviens Franck mais le temps qu'il rentre chez lui c'est déjà trop tard. Il reste des places sous forme de quatuor et Benjamin, Yann , Nicolas et Eric parviennent à s'inscrire in extremis.
Le réglement est inhabituel , un mix d'ultra et de BRM 400, on aura d'ailleurs une carte de route pour faire valider le BRM . On verra plus loin que cela rendra l'épreuve spéciale , avec une population de concurrents différente de celle qu'on croise habituellement en ultra distance.
5 Septembre, veille de la course . Je me sens en pleine forme , ayant bien profité des vacances pour un entrainement spécifique en Bretagne visant à améliorer la FTP. Pour le quatuor , c'est toutefois le début des événements improbables. Eric découvre que ses pneus ( on taira la marque ) se sont soudains déformés , la chape semble décollée de la carcasse par endroits. Rarissime ! Yann se retrouve avec un oeil à moitié fermé qui l'oblige à consulter. Benjamin oublie sont téléphone dans un taxi au Danemark et pour finir , Nicolas que j'ai proposé d'heberger pour la nuit car il vient de Lyon, m'informe que son TGV est bloqué suite à ce qu'on appelle malheureusement "un accident de personne" 😰 . Ca lui vaudra 2h de retard et une arrivée en gare de Juvisy au lien de Massy ! . Alors qu'on pourrait penser que c'est déjà beaucoup , le fils de Yann tombe dans les escaliers , direction les urgences en pleine nuit !
J'avoue qu'à ce moment , j'ai douté que notre quatuor d'amis puisse prendre le départ . Mais tout est bien qui finit bien, il seront bien là le matin , certes déjà un peu fatigués pour certains.
La veille nous participons au briefing à 19h , c'est vraiment bien pratique d'être à deux pas de la maison . Le briefing avec la présence du maire de Brétigny est de très bonne qualité , tout comme le buffet d'accueil , cela respire l'organisation sérieuse, nous avons même la vice-présidente de Michelin en charge des activités vélo qui est venue avec quelques caisses ... de pneus 😀
Réveil à 5h30 , petit déjeuner solide avant de rejoindre le départ avec Nicolas où nous retrouvons tout le monde.
Comme sur la Race Across France, les départs sont individuels toutes les 30s , je pars à 7h11 et le quatuor à 7h30 . Olivier un copain du club est là aussi et va m'accompagner sur les 80 premiers kms , bien sympa à lui c'était cool de bavarder tout en pédalant sous un soleil magnifique.
Le vent sera favorable jusqu'à la traversée de la Loire à Saint-Denis de l'Hôtel , donc on en profite pour bien rouler dans la Vallée de la Juine puis la Beauce. Les 100 derniers kilomètres concentrant 80% du dénivelé , il est certain que la moyenne chutera sur le final.
Contrairement aux courses ultra distance classiques, il est autorisé de rouler en peloton ce qui va s'avérer très utile pour tenir une moyenne élevée .
Petit à petit un groupe se constitue et malgré l'arrêt d'Olivier au km 80 pour repartir dans l'autre sens, je me retrouve avec une bonne dizaine de concurrents . Comme nous sommes partis dans l'ordre des dossards , ordre défini par la date d'inscription , je regarde autour de moi pour voir où je me situe . On double déjà des concurrents avec des dossards inférieurs à 100 ce qui signifie que je remonte assez vite sur ceux partis devant moi. Le GPS indique 30 de moyenne , l'objectif est de la tenir le plus longtemps possible sans pour autant me mettre dans le rouge. Pour l'instant tout va bien, le vent + le peloton permettent de rouler vite sans avoir besoin de déployer une puissance trop importante.
La Beauce fait place à la Sologne. Toujours des lignes droites sans dénivelé mais cette fois , c'est un paysage d'étangs et de forêts . Une découverte pour moi , je n'avais jamais roulé dans cette région. C'est joli , mais un peu monotone. Heureusement, le fait de rouler en peloton maintient la vigilance. Je prends quelques relais appuyés lorsque la vitesse baisse. J'avais initialement décidé de déjeuner au km 120 , mais on va bien plus vite que prévu , je modifie mon plan pour viser un déjeuner au Check Point 1 , à l'usine Michelin de Bourges. Cela m'évitera de perdre le groupe qui s'est formé est donc le ryhtme me convient parfaitement. J'ai largement de quoi faire en terme d'alimentation dans les sacoches du vélo.
Arrivée au CP1 à 13h45 . On est en fait dans la cantine de l'usine Michelin , et le ravito est parfait , largement au dessus des standards . Il manque juste du coca et de l'eau gazeuse mais je fais avec . Riz au curry , sandwichs, une montagne de flans ( clin d'oeil pour Franck ) , fromage , crêmes Mont Blanc, fruits , bref de quoi refaire les niveaux.
Je repars au bout de 45 minutes, non sans avoir regardé sur le logiciel de suivi live ( on a tous un tracker GPS fourni par l'organisation ) où se situe le quatuor. Ils roulent fort aussi , et ne sont plus très loin du CP1 également.
Je repars tout seul , jole traversée de Bourges, mais à la sortie , je réalise que le vent est monté et désormais pleine face. C'était prévu , mais il est plus sensible qu'attendu . C'est beaucoup moins plat désormains , et j'ai du mal à dépasser les 25 km/h dans les faux plats qui se succédent. Heureusement un groupe me rattrape. Je saute dans les roues, ouf , c'est pile poil ce que j'espérais pour lutter contre le vent.
Ce groupe est plutôt rapide. Je regarde les numéros , on a même le 24 avec nous , on continue de se rapprocher des premiers qui sont partis à 6h du matin, donc 1h10 avant moi. Le défaut de ce groupe c'est que certains donnent des à coups assez violents qui m'obligent à faire un effort. Je réalise qu'il y plusieurs concurrents qui font partie du même club et se tirent parfois la bourre . Rien d'extrême mais ca risque de peser à longue.
En observant de plus près , il y a truc etonnant : tous les membres de ce club n'ont absolument RIEN sur les vélos , même pas une gourde ! Il y a un truc qui cloche. J'ai vite la réponse lorsqu'un des concurrents lêve le bras et qu'une camionnette vient à nos cotés pour lui tendre une gourde. Assistance formellement interdite dit le réglement ... no comment !
Dans la série des gags , il y a aussi un concurrent que je rattrape régulièrement depuis le départ , mais qui repasse ... dans la voiture de sa femme avec le vélo à l'arrière de la voiture . Jamais vu autant de triche mais le plus drôle c'est que tous les tricheurs finiront loin derrière malgré tout.
Vers le km 250 , nos soi-disant "pros" sont victime d'une crevaison : ils font demi tour pour rejoindre le camion d'assistance 😂 . Je réalise que j'étais en fait tout seul avec eux. Comme les changements de rythme commençaient à me faire mal aux jambes, je décide de continuer en solo sans les attendre , ils finiront probablement par me rattraper me dis-je . Je baisse le rythme , car on approche des montagnes et d'ici un peu plus de 2h , il faudra avoir des watts en réserve pour passer les deux cols qui nous attendent . La majorité du dénivelé est sur les 100 derniers km.
Nous voilà dans l'Allier. Autre région que je découvre . Jolis routes qui serpentent en forêt le long de la rivière. C'est nettement plus vallonné et avec la chaleur, je sens que l'energie baisse . Il va falloir faire un bon stop reconstituant pour le dîner.
Un peu avant le km 300 , je m'arrête au Carrefour Market de Cosne d'Allier , pour m'acheter un bon sandwich , des petits saucissons, un gros yaourt à boire , du perrier, du coca et remplir ma réserve d'eau
Je vois passer une quinzaine de concurrents pendant que je me restaure sans me presser , mais je suis confiant de les récupérer dans les deux cols à venir.
Me voila reparti pour les 120 derniers km . Le jour commence à baisser
Le premier col arrive km 330 , bien nommé "La Bosse" . Je discute avec un concurrent rattrapé , il est du coin comme beaucoup d'autres personnes. Clermont, c'est vraiment Michelin city , et l'épreuve semble avoir eu un succès fou , notamment auprès des salariés de Michelin . Je suppose que beaucoup n'ont pas l'habitude ce qui explique surement les quelques "tricheurs" essayant de rallier l'arrivée par tous les moyens.
Je suis content d'avoir bien géré mon effort , car avec la température qui baisse , je sens que mes jambes sont encore bien opérationnelles et je peux monter à une bonne puissance . Du coup je rattrape comme je l'espérais un nombre important de concurrents en perdition. J'avoue que plusieurs fois , j'ai été "méchant" en m'amusant à monter à plus de 300W au moment du dépassement juste pour démoraliser mes adversaires en les dépassant comme un missile. Bon, j'ai honte , je suis un monstre 😇.
Les cols ne sont pas très durs , 10 km mais avec des pourcentages moyens autour de 5% , c'est donc roulant . j'ai d'ailleurs vu quelques vélos équipées de roues de 88 en mode triathlon ce qui pouvait tout à fait fonctionner sur cette épreuve. Et c'est un tri-athlète de l'équipe de France paralympique qui gagnera.
Il fait nuit , je me sens bien, j'ai mis la veste en haut du premier col car il y a des zones bien fraîches par endroit et je ne veux pas me geler dans la longue descente qui suit.
Dans le second col , la difficulté sera le vent avec des rafales à 50km/h par moment qui arrêtent presque le vélo . Pas prévu , la météo annonçait que le vent devait être quasi nul après 22h , manifestement c'es tout le contraire ! . Un concurrent devant moi part droit dans le talus sous une rafale heureusement sans tomber.
Je rejoins deux concurrents dans la descente du second col et vu le vent , on reste ensembles pour se relayer sur les 30 km qui doivent nous amener au CP2 , l'usine Michelin de Clermont . Un mythe ! Un de mes compagnons est entouré de bandelettes suite à une chute. Sacrémment courageux d'avoir continué , chapeau bas !
L'usine est immense , plus de 10 km pour en faire le tour sur les pistes d'essais . Pas forcement une super expérience cyliste mais je comprends que c'était incontournable. Je vois que je suis entouré de concurrents qui travaillent pour Michelin car ils commentent en live " et là c'est la piste pour les pneus camion et là c'est le circuit etc ... Bon moi j'ai surtout hâte de ressortir de l'usine et d'arriver , il commence à se faire tard !
Reste 10 km pour rejoindre le centre de Clermont à 1h30 du matin, passer sous l'arche d'arrivée , répondre à l'interview du speaker, faire tamponner le carnet BRM 400 , rendre le tracker GPS , partager la bière d'arrivée avec d'autres concurrents, recupérer le sac à dos avec les affaires pour la nuit .
Reste à prendre une douche et dodo. Je n'entendrai même pas les copains arriver deux heures plus tard . On se retrouve tous pour le petit dej le lendemain matin . Comme toujours , ils ont eu plein d'aventures mais n'ont rien lâché et toute l'équipe est finisher !
Reste plus qu'à rentrer à la maison en train, voyage retour sans histoire , il semble que j'ai transféré ma malédiction des transports à quelqu'un d'autre 😀