mercredi 29 janvier 2025

Jeudi 23/01/25 : Gravelman Marrakech 500 route

 

Benjamin, un ami qui s'est lancé dans le vélo depuis un peu plus de deux ans, nous avait accompagné avec succès sur le 350 km Verdun-Paris mi Novembre. 

En revenant et après en avoir entendu parler par l'équipe d'organisation des Gravelman, il nous dit qu'il aimerait bien faire le Gravelman Marrakech fin Janvier. Fichtre ! Les parcours de Steven le Hyaric, champion d'ultra distance et organisateur des Gravelman, ont la caractéristique d'être plus difficiles que la moyenne. Et le Maroc au vu de la configuration du terrain dans les montagnes de l'Atlas, m'a tout l'air d'être le top de la difficulté 😨. 

En y réflechissant , et voyant la météo vraiment pourrie en Ile de France depuis l'automne, je me dis que c'est une très bonne opportunité de préparer les épreuves de l'année 2025 et en particulier la Race Across France du mois de Juin. Je décide donc de m'inscrire, mais sur la version 500 km route plus en phase avec le programme de cette année. 

Benjamin et son ami Christian sont déjà inscrits de longue date , mais eux sur la version 350 Gravel et intérieurement, je leur souhaite bon courage 😀. 

Commence la première partie de l'épreuve : la préparation. Je cherche les infos que je peux trouver sur la région, les routes, les cols , ... . Le moins qu'on puisse dire est que le cylisme au Maroc n'est pas trop documenté. Sinon que s'y déroule l'épreuve ultra distance la plus difficile au monde, l'Atlas Mountain Race . Précisement là où nous allons 😱. L'organisation fait durer le suspense et tarde à nous envoyer les traces. Entre temps, j'ai compris qu'il fallait une carte SIM locale , le roaming coutant une fortune au Maroc ( 13 euros / Mo ! ) . En cherchant, je vois qu'on peut se procurer une eSIM , que l'on peut installer en avance, sans faire la queue à l'aeroport pour acheter une SIM physique. L'organisation recommande 30Go , ça me semble énorme . Mais l'importation des balises de suivi GPS habituellement utilisées n'étant pas possible ( contraintes telco locales toujours ) , nous devrons installer l'application de suivi sur notre téléphone qui va donc consommer de la data.  Malgré tout, étant du métier, je ne vois pas comment on pourrait consommer 30 Go avec ce type d'usage mais on ne sait jamais. On applique tous les recommandations à la lettre , ne connaissant pas le pays il est préférable de se fier à l'organisation. 

Ayant fait quelques Gravelman route avec des passages gravel voire VTT , je suis méfiant sur le terrain et je change mes pneus pour des Continental GP5000 all seasons en 700x32 tubeless . Des comparatifs trouvés sur internet indiquent que ces pneus sont 2 fois plus resistants que les GP5000 normaux, mes pneus préférés,  qui sont déjà solides tout en conservant les qualités de rendement bien connues de cette gamme de pneus. 

L'eau du robinet étant fortement déconseillée au Maroc, bouteilles obligatoires ce qui veut dire pas de possibilité de faire le plein la nuit , les nombreuses petites epiceries étant fermées entre 23h et 9h du matin. Et la nuit est longue à cette époque de l'année. Je réflechis à la meilleure solution, et n'aimant pas trop la solution des bidons sur le cadre lorsque le vélo a des sacoches ( durs à attraper même avec un porte bidon à ouverture latérale ), j'opte pour une sacoche "full frame" Restrap avec une réserve d'eau Apidura 3l . M'inspirant des conseils de mon ami David Schuster, dont l'expérience en ultra distance n'est plus à démontrer. 

J'ajoute une sacoche de top tube Restrap, et un petit sac de selle Decathlon qui contiendra le matériel de réparation et ma doudoune "de secours" . L'amplitude des temperatures sera importante , avec des passages à presque 3000m la nuit et le soleil à basse altitude de jour. Amplitude potentielle de -5 à +30 , mais impossible de se figurer précisement ce qu'il en sera car les infos météo sont limitées au Maroc . J'opte pour une tenue à couches : maillot thermoregulateur , maillot court en Merinos, veste d'hiver chaude et imperméable Ekoi , et la doudoune . Pas d'arrêt dodo prévu mais j'ai la couvertue de survie et un Bivvy en cas d'urgence. 



Il faut aussi organiser la logistique. J'ai une valise de transport avion, mais la combinaison vélo + valise dépasse largement les 23kg autorisés par mon billet  N'ayant pas de bagage soute autre que le vélo , j'achète la nouvelle sacoche souple de transport avion sortie par Buds. Elle coute 200 euros et je me dit qu'il y a moyen de la rentabiliser . J'opte pour la compagnie Air Maroc au départ d'Orly , les compagnies Low Cost devant plus couteuses dès lors qu'on a de gros bagages . 

L'option "Buds" va s'avérer super rentable vu que le personnel de Air Maroc à l'enregistrement ne me fera payer ni à l'aller ni au retour ce gros bagage qui ne pesait que 17kg . 

Je découvre que Steven vient d'ouvrir son camping "Superides Camp" à Ourika et que ce sera le lieu de départ . Il est donc possible d'y séjourner. Je sais déjà que les parcours Gravel repasseront par le départ après une première boucle, j'imagine qu'il en sera de même pour moi. Il est donc très intéressant d'avoir un point pour dormir en local ! . 

Je réserve donc la tente proposée par notre organisatrice en chef, Anne-Sophie. Mais quand je reçois un mail me recommandant des affaires chaudes, et un duvet 0° , mon enthousiasme baisse d'un cran . Quitte à se reposer , autant le faire dans des conditions confortables , je n'ai plus 20 ans 😀. 

Une petite recherche rapide montre qu'il y a un bel hôtel à 150 m du départ . Les Jardins de Taja. Ca a l'air top sur internet , mais en vrai c'est encore mieux : un petit paradis! 





Finalement, je réserve une Douira ( petite maison Berbère ) pour 4 : Benjamin, Albane son épouse, Christian et moi à un tarif défiant toute concurrence française ! 

Nous finissons par recevoir le parcours , tous mes logiciels de cartographie me disent "100% route". Je decouvre que si Benjamin et Christian repasseront au départ sur le 350 Gravel divisé en deux boucles, sur le 500 route, il n'y a qu'une boucle.  Il y a 7000m de dénivelé , mais cela semble faisable dans un temps de l'ordre d'une journée 1/2  . Le truc qui me chiffonne , c'est qu'en regardant les résultats des années précédentes, les "finishers" sur 3 ans cumulés se comptent sur les doigts ... d'une seule main . Il doit y avoir un facteur local qui m'échappe, donc je ne communique aucun temps prévisionnel à mes proches pour ne pas les inquiéter. 

Mercredi 22 , me voilà en route pour Orly , le départ étant prévu le jeudi 23 à 6h du matin . A la réflexion, c'était une erreur , il aurait été bien plus confortable de partir la veille. 



Sur les conseils de Christian, j'ai mis un Airtag dans la sacoche du vélo , super moyen d'être rassuré sur le fait que le vélo est bien avec moi dans l'avion.  

Déjeuner à Orly et à 12h25 , me voila en vol pour le Maroc , uen première pour moi en Afrique en général . 

Recupération ultra rapide du vélo à l'arrivée. On m'avait parlé de file d'attentes interminables à l'aeroport , ça va super vite y compris à la douane. Et les trois boutiques des opérateurs locaux sont désertes , j'aurai eu largement le temps d'acheter ma SIM , d'autant que l'organisation a un peu de retard pour venir me chercher mais on papote entre concurrents et c'est un moment de convivialité très agréable. 

Mon eSIM ne donnera pas de très bon résultats, mais heureusement, ayant un abonnement Orange, j'ai pris le pack "Maroc" qui m'autorise 10 Go pour un cout raisonnable de 30 euros. Essentiellement par sécurité pour ne pas payer une fortune en roaming en cas de mauvaise configuration du téléphone. En fait je n'utiliserai l'eSIM HolaFly qu'une journée avant qu'elle se désactive sans explication , donc mon pack Orange me sauvera la mise. La prochaine fois, je prends une carte locale ! 






Micka, un des organisateurs que je connais déjà , arrive avec une voiture de location pour nous emmener à Ourika à 40km de Marrakech ( mais attention aux routes marocaines, on va en reparler ! ) . Il est accompagné de Said dans une camionnette hors d'age comme toutes ses consoeurs locales pour transporter les vélos en valises ou cartons. 

Il nous faut une bonne heure pour arriver à Ourika . J'avais sous estimé cette partie transfert , j'arrive à 19h à l'hôtel , il fait nuit et ce n'est pas l'idéal pour remonter le vélo . 




Heureusement, un autre avantage de la sacoche Buds ( certe souple mais très bien rembourrée et avec des rigidificateurs ) , c'est que j'ai juste retiré la roue avant, les prolongateurs et baissé la selle . Remontage facile et rapide donc. 

Premier dîner pour moi à l'hôtel , un vrai bonheur, Azraf le cuisinier étant un génie de la cuisine 😀

Le temps de manger, de faire la connaissance de Christian, et finir de préparer le vélo ( eau , alimentation , vetements , montage des phares , ... ) nous voilà au lit avec le réveil à 4h30 . L'hôtel nous a prévu le petit déjeuner malgré l'heure. David & Fatiha , les patrons et toute leur équipe sont parmis les gens les plus gentils que j'ai rencontré ! 

Petit déj Marocain à 4h30 donc , puis nous voilà sur les vélos pour ... 150m jusqu'au Superides Camp et le briefing de Steven . 





6h , me voilà parti . Je pars vers le Sud , les Gravel vers le Nord , nos chemins se séparent rapidement . 

Je me retrouve ... tout seul , nous ne sommes que 12 sur le grand parcours route ( 1 sur le 500 , moi , et 11 sur le 600 qui est le 500 + une boucle après être revenu au départ ) 

La route pour partir du camp est un chemin de terre empierré . Le vélo saute dans tous les sens dans la descente mais à ma grande surprise, les GP5000 AS font un super job, ce n'est même pas trop inconfortable et ça me met en confiance pour la suite ( enfin, je ne savais pas ce qui m'attendait 😂 ) 

Après 2km , nous voilà sur de la "vraie" route, c'est parti. Après quelques minutes, mon organisme se reveille, les endorphines commencent à faire le job et les jambes tournent bien . Après de nombreux tests comparatifs, j'ai pris ma fidèle Klamp EXR1100 avec un powerpack 20000 mah qui m'assure normalement 3 fois plus d'autonomie que nécessaire. Mais tout seul dans un pays inconnu, il vaut mieux assurer.  La Klamp a indubitablement une qualité qui montre que les "lumens" ne sont qu'un élément de choix : certe sur le papier pas la plus puissante mais le faisceau est large et confortable. Doublé par le frontale Stoots Kiska3 sur le casque, même au premier niveau d'intensité, je vois à presque 100m avec une consommation faible de la batterie ( 2% par heure ) . 

Premier village, je découvre que le Maroc est peuplé de nombreux chiens errants . Curieusement très peu de chats dehors, ceci expliquant sans doute cela. Mais les chiens ont l'air bien nourris ou n'aiment pas la viande de touristes, il ne levent même pas la tête sur mon passage. 0 souci sur toute l'épreuve mais je me suis quand même posé des questions plus d'une fois : et celui là , il a faim ou pas ? 

A cette heure matinale , les routes et villages sont déserts. Tiens , une petite lueur rouge qui clignote. Je rattrape Matteo qui est sur le 600 et vient d'Italie. On papote , il habite à Turin que je connais bien, le temps passe plus vite en discutant. Malheureusement, au premier col de 10km , Matteo disparaitra dans la nuit derrière moi. Je décide de ne pas attendre, il y a quand même 500km en montagne à faire. 

Après le premier col, une belle route serpente devant moi mais le GPS bippe et me dit de prendre à droite ... A droite , c'est un chemin de pierres . J'ai beau vérifier , pas d'erreur. Sacré Stéven ! . 


J'ai confiance dans les pneus, mais le terrain est quand même très loin de la gamme d'usage d'un vélo de route. Je m'attendais à ce type de surprise mais pas aussi cassant.  J'y vais donc prudemment, la moyenne en prend un coup sur les 10 kms de cet tronçon malgré tout magnifique et totalement dépaysant. J'ajoute même une petite erreur de parcours pour finir sur un étroit sentier de 20cm spécial VTT. Mais mon Axxome avec ses pneus passent facilement et confortablement. Je ne suis pas en difficulté et totalement épaté par le comportement du vélo . Top  ! Je ne savais pas que mon Axxome Origine savait faire ça ! 

Au bout du single , la route et le 1er Check Point ( CP ) . Sur les Gravelman , ils sont virtuels, juste un selfie à envoyer avec le bon panneau . 


Ne cherchez pas , j'ai pas trouvé de panneau 😂😂

A partir de là , c'est parti pour l'ascension du Tichi N'Tichka ( 2300m ) , sur environ 70km par paliers . 






Les paysages sont magnifiques, non , sublimes , extraordinaires . Je me pince pour me convaincre que je suis vraiment là . 

Les jambes tournent, la chaleur monte rapidement. J'enlève les couches thermiques et passe en court. J'ai emporté un petit sac à dos juste pour mettre les vetements afin de faciliter les ajouts/retraits qui vont être nombreux sans m'embêter à tout remettre dans les sacoches à chaque fois.  

La pente est entre 3 et 4% avant quelques descentes, d'où la longueur de l'ascension. Mon objectif est de déjeuner au sommet que j'estime pouvoir rejoindre entre 13h et 14h. 

Les 15 deniers kms sont plus pentus , on passe sur du 6 à 8% , et finalement voyant un restaurant avec une terrasse au soleil je décide de m'arrêter là d'autant que la température baisse et que le somment risque d'ête inconfortable. Je remets d'ailleurs la veste sur la terrasse à cause du vent. 





Tajine, pain, Coca, cornes de gazelle, thé à la menthe , j'achète quelques Bounty aussi pour la route ( ce sera la surprise , ici les bounty sont des biscuits à la noix de coco ! ) Le personnel du restaurant s'attroupe autour du vélo. On ne voit quasi aucun vélo ici sur les routes : 5 au total en 500 km , dont 3 concurrents . Evidemment hors vélos des enfants dans les villages  . On discute , ils sont adorables , c'est fou comment les gens sont gentils ici, ça réchauffe l'âme, et redonne du sens au mot "humanité" et des joies simples. 

Après avoir payé l'équivalent de 8 euros pour un délicieux repas complet, j'attaque les 8 derniers kms, un peu inquiet par la digestion 😀 . J'y vais sans forcer, le paysage est tellement beau qu'il incite prendre le temps de le comtempler. 

Et me voilà au sommet 



Ca ne se voit pas sur les photos , mais il ne fait pas chaud du tout et le vent est fort. Il sera d'ailleurs très génant dans la descente, la sacoche full frame donnant une grosse prise au vent. Je ne pourrai pas profiter de l'asphalte refait et lisse comme un billard pour prendre beaucoup de vitesse et ... heureusement ! 

Je découvre dans la descente la grande spécificité des routes locales : au détour d'un virage, l'asphalte lisse laisse la place à une piste de terre sur 500m , route détruite par je ne sais pas quoi. J'arrive à 60 km/h, mode freinage d'urgence avec tout le poids sur l'avant pour ralentir in extremis le vélo. Calmé pour le reste de la descente. Je cherche encore l'explication à ce cas de figure qui se reproduira de multiples fois : il semble que ce soit avant tout un pb de qualité du revétement et d'eboulements aussi. 

Me voilà en pays Berbère. Profil globalement descendant mais avec quelques remontées raides pendant 100km jusqu'à Ouarzazate. La moyenne remonte et j'en prend plein les yeux . Les paysages sont incroyables , on se croirait sur Mars. Difficile de croire que des gens habitent dans cet environnement de montagne rouge et totalement aride. Les villages sont pauvres mais les gens sourient à mon passage et souvent les gamins sautent sur leur vélo pour faire la course en riant et en m'encourageant. J'en ai les larmes aux yeux souvent. A l'heure de sortie de l'école, plein de gamins marchent au bord des routes. Au milieu de ces montagnes il semblent y avoir des écoles partout. Impressionnant. 








Les jambes vont de mieux en mieux et je me retiens de trop relancer dans les raidars. Moral au beau fixe, quelle épreuve magnifique ! La circulation est quasi absente, à part quelques deux roues motorisés et chargés de manière improbable. 

Soudain, je débouche dans un désert de cailloux. D'un coup le terrain devient plat et droit . Je suis dans la vallée en direction de Ouarzazate. 



Pour la première fois , je peux me poser sur les prolongateurs. Je mettrai moins 1h30 pour faire les 50 km jusqu'à Ouarzazate avec un vent favorable. 

Je rattrape un scooter chargé , ne résiste pas à la tentation de le doubler.  Said le pilote ne s'en laisse pas compter et couché sur sa machine avec son frère à l'arrière , il me redouble . S'en suit une course poursuite dans le désert. Mes adversaires du jour manquent de pratique : ils sont contents de prendre la tête, ignorant qu'ainsi je bénéficie de l'aspiration et ne me fatigue pas. Je me cale confortablement dans la roue, roulant entre 35 et 40 km/h sans effort. Ca se finira au sprint pour la pancarte de Ouarzazate dans des grands éclats de rire réciproques, un moment génial que je ne suis pas près d'oublier. Petite pause pour discuter un peu avec mes nouveaux amis et je me pose sur une terrasse de restaurant pour un dîner bien mérité. Il ne me faut que quelques minutes pour demander à être rappatrié à l'intérieur la température ayant chuté de 10° en un rien de temps. 

Ouarzazate est incroyable : après 200km dans les montagnes aride et pauves, me voilà dans une cité ultra moderne avec des néons partout et le serveur parle mieux anglais que français. Contraste total. Quand au serveur, il est tellement persuadé que je suis américain ( pfuiii s'il savait ) qu'il m'apporte ... un hamburger 😂




Dessert , café , thé à la menthe , remplissage aussi du réservoir Apidura au maximum de ses 3L. Car les 130 prochains km , ce sont 3 cols à 2300 m dans la montagne qui revient pour remonter vers le Nord. Aucun espoir de ravitaillement en eau ni nourriture avant d'avoir traversé la montagne . Les cartes donnent les cols à 5/6% , je me dis que je dois pouvoir monter à 15/16 km/h sans trop forcer. Surtout que la route à l'air belle. 

Après le dernier col au km 360 , il reste 140 km de descente/plat , et une légère remontée de 300m au final car Ourika est déjà un peu en montagne. 

Je calcule un horaire de passage au dernier col vers 6/7h du matin en fonction du terrain qu'on va découvrir. 

Je repars en pleine forme , après avoir aussi remis de la cire sur la chaine. Le vélo marche à la perfection, et file sans bruit sur une belle route qui reste plate sur 30 km. Jambes au top , le capteur de puissance affiche des valeurs parfaites, je suis en mode sortie du dimanche matin avec les copains, ça avance bien. Je vais surement mettre moins de temps que prévu me dis-je . 

Soudain, un bip du GPS qui me demande de faire demi tour. Erreur de ma part : j'ai oublié de desactiver le recalcul automatique, et je suis bêtement la trace GPS qui m'envoie en fait en dehors du parcours. Il y avait juste un bug de 10m sur le tracé ce qui a entrainé le recalcul . Un conseil : sur ce type d'epreuve , il ne faut jamais laisser le GPS recalculer l'itinéraire et desactiver cette fonction. 

J'en suis quitte pour 12 km de détour et 30 minutes de perdues , ma montre GPS Suntoo en backup finissant par m'alerter que je suis hors parcours et me remettant dans le bon sens . 

La route est toujours superbe. La pente augmente progressivement, mais les jambes sont tellement bien que je grimpe à 5% à presque 20 km/h à ce moment . 

Je suis vraiment seul , pas une voiture, pas un être qui vive, les rares villages sont dans le noir, on n'entend que quelques chiens aboyer au loin. 

Soudain, la route tourne à gauche et .... devient très mauvaise. La moitié du bitume a explosé , il faut slalomer entre des trous d'obus. Incroyable et pourtant , c'est une route nationale ! 

La pente augmente sévérement. On dépasse les 10%. Mon GPS s'acharne à me montrer un profil "en vert" à 4% , ça c'est particulièrement agaçant. Je vais passer 70km à espérer ce "vert" qui ne vient jamais . En fait , la moyenne des montées est de 5% mais sous forme de passages raides à souvent plus de 11% suivis de descentes. Ascension particulièrement casse pattes et bien plus difficile que prévu. Clairement les cartes "internationales" ne sont pas à jour au Maroc. Rien ne remplace l'expérience du terrain. 

Et surtout, le bitume se fait de plus en plus rare et disparaitra totalement sur 60km. Me voilà sur des montées et descentes raides dans les cailloux et le sable. Evidemment du jamais vu sur une épreuve sur route ! . Mais le vélo passe plutôt bien, c'est juste beaucoup plus énergivore que prévu. 

Il fait maintenant nuit noire. Avec les efforts importants, je n'ai pas vu le temps passer . Je regarde ma montre, il est déjà 3h du matin ! Je viens de descendre sur plusieurs kms, bien frustré de reperdre en permanence l'altitude chèrement gagnée. Soudain, une fissure mentale apparait. Putain !! y'en a marre de ce terrain infernal ! Stéven, je vais l'étriper au retour. Faut être fou pour envoyer des vélos route sur un terrain pareil en pleine nuit. 

La route est encastrés dans les rochers. C'est minéral et impressionnant.  Il fait froid, il fait noir, je me sens tout petit dans cette montagne et bien content que le vélo et l'éclairage marche parfaitement. J'ai de l'eau, j'ai à manger, la situation est sous contrôle. Mais je suis seul , incroyablement seul au milieu de nulle part dans un pays inconnu.  Un cri strident dans la nuit . Soudain mon cerveau fige sur une question "mais au fait , il y a des animaux dans ces montagnes ?" . Petit frisson dans l'échine. Incroyable il y a du réseau ici ( merci Orange ) . Je cherche sur Google " animaux sauvages Atlas" . Qui me répond " dans l'Atlas on trouve des Lynx , des putois, des renards, le dernier lion de l'Atlas a disparu en 1922 " . Bon ouf, je ne finirai bouffé par un ours ou un lion 😀😂 . 

Une petite barre et ça repart ! Un lapin traverse à fond de train devant mes phares. 

Me voilà reparti, mais je sens que les jambes commencent à toxiner avec tous ces raidars qui se succédent . 


L'état du terrain oscille entre très mauvais et totalement improbable . J'arrive à un endroit où la rivière à emporté la route . Il y a 40cm d'eau . Il fait -3°C , pas question de me mouiller les pieds . J'ai du sortir la doudoune de secours pour la mettre au dessus de ma veste thermique car je me gèle dans les descentes avec les dents qui claquent . J'ai trop attendu pour mettre la doudoune et maintenant j'ai du mal à me réchauffer. 

Pendant 20 minutes, je déplace des gros cailloux pour fabriquer un petit passage qui me permette de passer au sec. La route au Maroc c'est l'aventure ! Au passage, ça réchauffe 😀

J'arrive dans la dernière montée,  8 km à 9%, une descente encore puis 2km à 10% , je sens que ça va être dur. Les premières lueurs du jour pointent dans la montagne et avec elle les premiers véhicules ( rappel : c'est une nationale ) . Des camions dans un état extérieur inquiétant passent à toute vitesse : le mécano qui entretient ces camions est surement un génie car d'évidence moteurs et suspensions sont performants. Presque tous les camions s'arrêtent après m'avoir dépassé : pour vérifier qu'ils ont bien vu un vélo , puis pour me demander si j'ai besoin d'aide ou me proposer de monter le vélo en haut. Trop gentils . Je leur explique je fais une course, que je suis en tête et qu'il n'est pas question de profiter d'une assitance. Stupéfaction générale des chauffeurs devant ces explications. 






J'avoue que je pousserai le vélo quelques centaines de mètres pendant cette ascension. Les montées raides m'ont tuées, plus de force dans les jambes et le mental sature un peu de cette montée interminable. 

Et enfin la délivrance , le sommet ! 



Maintenant c'est globalement descendant ou plat jusqu'à l'arrivée hormis les 20 derniers km en légère montée pour atteindre Ourika à 900m . 

La descente est belle , la route est de nouveau une route même si on n'échappe pas aux fameux tronçons detruits au détour d'un virage. Par contre, il fait très froid, la route est à l'ombre. 

40km de descente et petit déjeuner à Demnate. Je prends mon temps pour reconstituer les réserves. 

Le soleil aidant , les forces reviennent et je vais pouvoir envoyer des watts sur les lignes droites dans le désert jusqu'à Ourika . 

Les 120 derniers km se font en un peu plus de 4h et je rejoins l'arrivée à 17h . 








Super accueil par Steven et son équipe , Micka , Cecilia et Anne-Sophie . La médaille de finisher , une bonne discussion dans le salon du très joli camping tout en mangeant de fruits frais cueillis sur les arbres. Ici Steven est chez lui et le partage est encore plus intéressant que d'habitude avec lui. Une personnalité attachante, hyper sensible et atypique.  Beaucoup resteront quelques jours de plus pour faire des sorties avec le champion qui ne demande que ça. 

Pour moi , ce sera repos dans le paradis des Jardins de Taja, à profiter de la gentillesse du personnel et de la cuisine d'Azraf. 

Ces quelques jours auront été une aventure formidable , un peu initiatique. J'ai découvert un pays attachant ( mais avec des routes dans un état déplorable ) où les gens ont encore la capacité à se réjouir des choses simples et font preuve d'une humanité et d'une bienveillance incroyable. Le contraste avec l'égoisme et le coté blasé de beaucoup de nos compatriotes est saisissant et une partie de mon coeur et mon esprit sont encore sur place. J'y retournerai c'est sûr, ne serait-ce que pour essayer la version tout terrain de l'épreuve qui est un beau challenge : vu l'état des routes, vous imaginez bien la difficulté des pistes 😀 . VTT obligatoire plus qu'un Gravel pour ce type d'environnement. 

Ci-dessous le montage vidéo de ma course. 




6 commentaires:

David a dit…

Ah le Maroc, que de souvenirs ! Pleins de commentaires me viennent à lecture de cette belle aventure mais surtout : bravo d'avoir dompter ton esprit la nuit dans les fraîches montagnes de l'ATLAS. La prochaine, c'est la Silk Road, non ?
Tu fais quelle version de la RAF ? J'espère te croiser sur les routes ou chemins cette année. Vivement la suite !

khs91 a dit…

La RAF 1000 est au programme de l'année , je prends goût aux longues distances :-) . Le Maroc m'a encorcelé , plutôt que la Silk , l'Atlas Mountain Race me fait de l'oeil pour l'année prochaine . Au plaisir de te croiser prochainement pour partager quelques aventures !

Anonyme a dit…

Magnifique périple à gravé à jamais dans ton esprit .
Encore félicitations Respect 👍🍾

Alain a dit…

Superbe récit pour un super exploit. Vraiment très fort et je confirme la longue distance c'est de la drogue, une fois essayée on ne peut plus s'en passer. Encore bravo !

khs91 a dit…

Merci Alain ☺️

Anonyme a dit…

Merci Jean Pierre pour ce récit encore une fois passionnant et bravo à toi.
Bertrand