La Granit, c'est le genre d'épreuve où on se demande souvent pendant le parcours pourquoi on a décidé de la faire, et à l'arrivée, on ne pense plus qu'à revenir. C'est donc pour une 4ème participation que je m'étais inscrit cette année, avec un nouveau site de départ, un parcours rallongé et du D+ en supplément, de quoi faire peur quand on sait à quoi ressemble le terrain local. Même s'il y a pas mal de membres de l'équipe "historique" qui manquent à l'appel cette année à cause de divers empêchements, David est partant, tout juste revenu d'une belle perf au Raid Vauban, tout comme Pat, Seb et Richard. Et après des hésitations, Jean-Marc et Mary sont de la partie aussi malgré une ornière traître qui a fait chuter notre guerrière le dimanche précédent. Richard a un souci avec son vélo, donné en SAV à Decat. Je ne suis pas trop rassuré pour lui, et effectivement, il nous rejoint in extremis le samedi en début d'après-midi avec un amortisseur qui perd de la pression. Pas trop rassurant pour affronter un parcours aussi exigeant que la GMU, c'est un coup à se retrouver en rade. On repasse chez moi où j'embarque deux amortos de spare que j'ai en stock, en espérant qu'il y en ai un qui se monte. Voyage sans histoire jusqu'à Ambazac où nous rejoignons le bel Etang de Jonas, nouveau site de départ.
Récupération des plaques, d'un bidon et d'un tee-shirt Granit, je suis tout content d'en avoir un 2ème. Organisation toujours au top et toujours aussi sympa. On finit par être connus, alors on discute avec les organisateurs et l'ami Pascal. Le parcours a beaucoup de points communs avec l'année précédente, plus des nouveautés dont le Mur de Chedeville au départ , précédé d'une boucle autour de l'étang. Objectif : éviter les chutes dans la première descente. On en profite pour jeter un oeil à l'amorto de Richard, on parvient à lui monter un de ceux que j'avais amené, pas parfait mais au moins il ne risque pas de se dégonfler en plein milieu du parcours. Au passage, petite séance de réflexion pour comprendre comment positionner l'excentrique de la suspension NEUF du Décat de Richard. Rendez-vous est pris pour un resto tous ensemble au Clos des Cèdres, très bonne adresse où nous avions déjà dîné l'année précédente. Direction l'hôtel Ibis pour déposer les affaires. Et là : le gag . La réceptionniste ne trouve pas mon nom ! Mais si , je vous assure, j'ai réservé depuis des mois. Vous avez votre réservation avec vous ? Ben oui, regardez ... et là je découvre que je me suis gouré de dates : réservé pour le 13 mai !! Le boulet ! Bon pas grave, il reste des chambres, ouf :-) . Nous repartons rapidement pour le resto, et cette fois, on ne refait pas le coup de 2014 où on s'attendait les uns à l'intérieur et les autres sur le parking. David est là aussi avec Lucy son amie. Nous sommes rejoints à table par trois concurrents qui sortent d'une reco. Il faut dire qu'ils jouent la gagne, nous avons notamment le 2ème de l'année précédente, Julien, un vététiste belge super sympa ainsi que Fred, un ami de JM & Mary spécialiste des raids en tout genre. Bigre, on joue pas dans la même catégorie. Une fois le délicieux repas avalé, direction dodo . Après une semaine difficile , où j'ai chopé une allergie ou un virus qui m'a fait tousser tous les jours et une nuit de vendredi mouvementée avec un rodéo policier dans le quartier, je compte sur une bonne nuit pour arriver frais et dispo. Ce ne sera pas vraiment le cas, il fait trop chaud dans la chambre, j'ai du mal à dormir, pourtant je ne me sens pas du tout stressé. 6h45, je me lève difficilement, direction le petit dej. Pat et Richard sont déjà là . Je mange mon gâteau sportif et fait honneur au buffet, il faut prendre des forces, puis on charge les voitures. Je découvre sur le parking un Pat désespéré avec juste son cuissard qui me dit "tu n'aurais pas un 2ème maillot ? " . Enorme ! Et voilà notre Pat transformé en KHS91. On décolle direction Ambazac où on arrive à 8h. Mary & JM sont là, on monte les vélos et je me retrouve sur la ligne de départ avec David. Je veux prendre des photos mais réalise que j'ai oublié la carte mémoire. Décidément, c'est la période des gags. Je donne l'appareil à Lucy, ça fera toujours 100g de moins à porter. Je reconnais nos amis de la veille au soir concentrés en première ligne où JM s'est aussi positionné. 8h30, la meute s'élance.
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Photo empruntée à David |
J'hésite à faire le départ, mais la journée va être longue, donc je me laisse absorber par le paquet . Mauvaise idée, car le tour de l'étang est sur un petit chemin, et ça bouchonne, on est à l'arrêt dès le premier virage. Puis on entre dans la forêt pour la première ascension du jour. Il fait chaud et très humide, je transpire déjà et je ne me sens pas très bien. Pas de forces, je n'ai pas mal aux jambes, mais je suis pas vraiment dans la course. Pat est avec moi , on monte ensemble dans le paquet, j'ai plein de buée sur les lunettes, ça commence difficilement. Je ne sais pas où sont Seb et Richard. On rejoint le parcours de 2014, et arrive la première descente technique. La terre est sèche, pas trop de poussière, bon grip, je connais bien ce passage, je m'engage sans inquiétude. Un ralentissement devant, mes lunettes de couvrent de buée, je vois plus grand chose et soudain mon guidon heurte un arbre que je n'avais pas vu. Ca fait touner le guidon, OTB magistral droit dans la pente, je vole, fait un roulé boulé en retombant sur le genou blessé il y a trois semaines ce qui fait céder la peau toute neuve pendant que je vois mon vélo faire des loopings en l'air. Ouaaaah comment ça va terminer tout ça ? Je parviens à m'arrêter, récupère le vélo miraculeusement intact, et c'est reparti. Je fais 10m et je me couche dans le virage suivant, je suis vraiment pas dans le rythme. Patrick a disparu devant, je sens que la journée va être loooonnngue ! Des idées noires me traversent l'esprit, sur le coup , pas loin de bâcher. Puis je me reprends, surement une mauvaise nuit, où alors c'est bien un virus que j'ai chopé, bon, on s'en fout, je suis un finisher, je suis un finisher, je suis un finisher, allez avance et ça va finir par aller mieux ! Et donc je pédale, tant bien que mal. Le GPS affiche une moyenne inférieure de presque 2km/h à l'année dernière, attention, ça risque d'être chaud pour la porte horaire. Avec l'humidité, le terrain bouffe de l'énergie. Petit à petit, je me reconcentre, vire les lunettes. Au moins je vois devant, sauf que c'est flou et pas agréable. Les montées suivantes et descentes suivantes se passent mieux, tout passe sur le vélo, je reprends confiance. 1er ravito au km 17, arrêt express pour pas faire chuter la moyenne, Mary arrive, on va rouler un peu ensemble. Elle se sent pas trop bien non plus, on s'encourage mutuellement. Je me sens de mieux en mieux, mais la moyenne ne décolle pas. Pourtant je suis haut dans les tours au cardio. Il fait toujours chaud et humide, je suis trempé de l'intérieur, ne pas oublier de boire. Dans une des rares descentes faciles sur un grand chemin, deux vététistes blessés en train d'être secourus en 100m. Etonnant une chute à cette endroit, ils ont l'air en de bonnes mains. Les descentes passent bien et j'y prends du plaisir, je suis enfin rentré dans l'épreuve. Mais la moyenne m'inquiète toujours, c'est limite. Une montée infernale pour rejoindre le ravito 2, nouvel arrêt express. Une bénévole veut soigner ma jambe qui effectivement dégouline de sang, je ne m'en étais pas rendu compte. Rien de grave, et pas le temps, il me reste moins de 50 minutes pour la porte horaire. Camel rempli, je saute sur le vélo et fonce. On est trois avec le même objectif , je connais bien ce passage, c'est plutôt plus roulant que ce qui précède, donc jouable .On appuie autant qu'on peut avec nos moyens du jour, je regarde les minutes défiler sur le GPS. Ca va être juste, pas possible de louper la porte, je donne tout ce que je peux, voilà la porte, les gars nous disent : "tout droit pour le 80, à droite pour le 60". Yeeesssss ! Je ne m'arrête pas, trop content de passer , il est 13h00 pile sur le GPS, incroyable. Un gars m'interpelle, c'est Pat que je n'ai même pas reconnu et qui m'attendait. Il part sur le 60, je lui dis que je continue sur le 80. Et on s'élance avec mes deux acolytes. Quelques centaines de mètres plus loin, je ripe dans un raidar, manque de tomber et là , crampes dans les deux mollets. Aie ! Je m'étire deux minutes et bois à grande gorgées, ça passe, je repars le couteau entre les dents puisque mathématiquement je suis dernier sur le 80 et pas envie de finir dernier. Je fonce en suivant les rubalises, j'entends des cris derrière moi, mais je suis verrouillé sur l'objectif, rattraper les deux gars devant. Le terrain devient plus facile, beaucoup plus facile, beaucoup TROP facile. Un doute ... je reviens en arrière il y a bien des rubalises. Je repars, mais bientôt plus rien. Hum ... et ce cri derrière ... je me suis gourré ? Difficile décision que de revenir 1km en arrière, ça va être très compliqué maintenant de rattraper quelqu'un. Abandon ? NON !!! JE SUIS UN FINISHER ! Allez, on y croit. J'entends des voix dans un sentier, les débaliseurs ? Je prends celui-là et au loin je vois des gars en bleu qui courent, ce sont eux. Faut les rattraper. Séquence surréaliste : je suis derrière les gars qui ferment le parcours !!! Putain de merde !Il n'y a qu'à moi que ça arrive des trucs pareils. J'appuie, je les rejoins , ils sont content de voir que j'ai repris le bon chemin, ce sont eux qui avaient crié pour me rappeler.
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Photo organisation |
Je ne comprends rien à cette affaire de rubalise, mais plus le temps de penser, faut foncer. Mon erreur a eu un point positif: le terrain plus facile a éliminé les toxines, je roule bien maintenant, relance en danseuse dès que je peux et dévale les descentes à toute vitesse, je vole, je me fais plaisir, je vais le faire. Une route, un gars me dit " tu es 106 si tu termines". 106 ? Pas si mal, il y donc eu beaucoup d'abandons. Ca me rebooste, Je continue de boire pour chasser les crampes et tiens ... plus d'eau :-) . Trop bu ! Bon, je dois pas être si loin du ravito 3, une grosse bosse, une descente, une nouvelle bosse, je reconnais la piste de DH qu'on remonte, j'entends des voix , le ravito et il y a une dizaine de concurrents qui sont là . Eh , eh ... pit stop express pour remplissage du camel, j'avale quelques pâtes de fruits et du saucisson et zoup me voilà reparti, je suis plus dernier, youpi ! J'ai le moral au top maintenant. Un déluge me tombe dessus, aie, juste avant les trois pistes de DH caillouteuses, va falloir faire gaffe. Pas le temps de regarder la vue cette année, j’enchaîne la Kaolin, la Oulala et la Ragondin. Je suis avec trois autres gars, je m'étale deux fois dans un virage sur la Ragondin en perdant l'avant sur des cailloux glissants, pas aidé par une lucidité déjà entamée. Je me fais distancer dans les descentes, destabilisé par les deux chutes, mais revient facilement dans les montées, ce qui me donne confiance pour la suite. Je ne me souvenais plus qu'elles étaient aussi dures les montées dans cette zone, avec la pluie, les cailloux et racines rendent la tâche difficile. Il tombe des cordes, mais je m'en rends à peine compte, de toute façon j'étais déjà trempé de transpiration. On pédale, on pédale, on est cinq maintenant dont deux gars avec l'accent du sud-ouest qui papotent dans toutes les montées comme si c'était plat, même pas essoufflés. Mais ils sont énervants ceux là !
Au km 64, on nous colle une pastille rouge sur la plaque de cadre, ravito dans 2km, ils sont long ces km, enfin le voilà . Je commence à avoir un peu mal au ventre à force de boire, j'ai du mal à manger mais je me force. Allez, on repart, faut pas mollir. Je vais faire toute cette dernière partie tout seul, 72km au GPS, et je vois un panneau "arrivée 10km". Non ? Pas possible, ils se sont trompés ? J'ai donc fait 2 à 3km de rab avec mon détour ? Pfuiii , 10 km, au moins une heure . Allez, appuie et arrête de penser. Alors j'appuie autant que je peux dans les bosses, tente de tout descendre sur le vélo, mais c'est la zone où les descentes sont les plus techniques. J'arrive dans une pente super raide, au bout un arbre, un virage en épingle à gauche et une grosse marche derrière. Ouh là, je le sens pas, j'attrape les freins et là , ouiiiilllle, une crampe à la main ! Les poignées de freins m'échappent et le vélo accélère comme une balle. Plus possible de m'arrêter, je suis mort, c'est la fin, adieu les amis ! Et ben non, ça passe super facile vu que je saute la marche sans le vouloir et atterrit tout en souplesse. Bigre, c'est donc ça la bonne technique. Allez, je le note dans un coin pour l'année prochaine si j'arrive vivant. Je reconnais le parcours final habituel : la Pierre du Mola ( je passe à gauche ) , les remontées pas trop dures qui passent sur 26x24, plus de crampes, la descente du Castor où je me fais une frayeur sur le passage entre deux pierres, me voilà en bas mais cette année on remonte pas la Ouff , je tourne à gauche, sur un chemin sympa en montagne russe pas trop dur, fini ? Tiens un panneau 5km quand même. Mais la fin se corse, ça redevient technique, avec un infernal sentier en balcon et en dévers complètement ravagé, je couche le vélo sur une racine et continue prudemment quelques mètres à pieds. Je suis méfiant, hier Pascal a parlé d'une descente hyper raide sur la fin. Finalement, pas si raide, ouf. Et enfin des cris, des klaxons. "Il y en a encore derrière?" "Oui, 5 ou 6" . Et voilà l'étang, j'y suis, j'entends la sono "on dirait qu'un truc arrive dit le speaker" . Et oui, c'est moi les gars, le finisher ! Je fonce, je vole, je vois Mary qui cours pour m'encourager, un talus, je le grimpe au sprint, l'arche, la ligne, j'entends mon nom au micro, vois trois super nanas en mini-jupe à droite ( qu'est-ce qu'elles font là ? ) , je souris, je l'ai fait, je l'ai fait, ouahh , c'était vraiment dur cette fois, mais j'ai déjà tout oublié, je suis bien, bon, j'exagère, je referais pas un tour. Un organisateur me colle un sticker finisher, sympa. Seb et JM sont là, j'apprends que Pat est tombé et s'est encore fait mal à une côte, Richard a eu des soucis de vélo et a fini sur le 45, ils sont déjà repartis. David a fini dans les 30 en 7h, JM premier master 3 en 7h20 et Seb dans les 9h. Mary a du abandonner , mal remise de sa chute de dimanche dernier, mais en 2016 on revient tous en pleine forme. Seb qui doutait de pouvoir faire le 80, qui n'aime pas la pluie et qui doutait de pouvoir résister moralement. Et bien, il a vaincu tous ses doutes, il l'a fait, je suis très content pour lui, il est tout heureux d'avoir vaincu le parcours. Et au final, un immense merci aux organisateurs de cette épreuve magique, atypique, dure, très dure, mais aussi conviviale, très conviviale, un petit sanctuaire hors du temps et de notre société moderne, un endroit où seuls comptent le plaisir, l'amitié, l'effort et la joie de pratiquer notre sport favori. Longue vie à la Granit Montana ! 82 km, 10h05 et 3580m de D+ au GPS sur la ligne . 96ème au classement final, me voilà dans le Top 100 , objectif atteint :-) :-)
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Merci Mary pour la photo :-) |
7 commentaires:
d'avoir fini... sain et sauf ! bravo
Bravo JP t'es un warrrior !
Et tes CR sont toujours aussi plaisants à lire ;-)
Une pensée pour Mary et Pat qui doivent être bien déçus :-(
Tu es incroyable JP! Quel mental! Bravo!
Toujours aussi terribles tes cr. La granit mode jp c'est une course pleine d'imprévues et toujours qqs anecdotes qui font bien sourire. Encore une grosse performance, quelle volonté, finisher sur cette édition, BRAVO.
Hervé
Bravo JP !!!
Un mental d'acier pour aller jusqu'au bout.
Un super CR encore une fois.
Bravo Jean - Pierre,
Quelle aventure 😀 très bien rracontée.un vrai CR de guerrier. Sacré mental. Je suis administratif de vos exploits.
Franck
Bravo JP, que d'aventures pour venir à bout de cette édition, ô combien difficile (40% d'abandons ?!)
Tu as démontré que la détermination permet de ce surpasser.
Vivement les prochaines balades, un peu plus cool :)
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