Courant décembre, on découvre sur l'excellent site Bike Café l'annonce d'une nouvelle épreuve Gravel autour du Mont Ventoux en Mai . La Ventoux Trans Massif . Parcours de 50/110/220km . L'idée est initialement de faire le 220km , mais je me ravise finalement, c'est un week-end de trois jours et l'opportunité d'en profiter en famille. Le 110 km sera donc parfait . L'histoire dira que c'était un choix judicieux, j'avais très nettemment sous-estimé la difficulté de ce nouvel évenement ! Je réserve pour 3 jours un gîte à Bedoin pour notre séjour en amoureux ( on taira le nom du gîte après quelques déboires avec le propriétaire psycho-rigide ) .
Départ prévu le vendredi midi, contraintes du boulot obligent . Toutes les affaires sont prêtes , il n'y a plus qu'à monter dans la voiture avec les deux ferocious dogs qui sont du voyage pour prendre l'air du Sud .
Premier imprévu : notre petite Spitz Tessie réussi à mettre la truffe dans mon sac d'affaires de vélo et mange une pâte de fruit énergétique à la caféine. Non seulement elle trouve ça très bon, mais nous avons ensuite un super chien : elle entreprend de faire le tour de la maison à vitesse lumière , pas moyen de la rattraper. Voyant qu'on commence à s'énerver elle décide finalement de se réfugier sous le canapé d'où il est impossible de la déloger. Bref, on part avec une bonne heure de retard , mais j'ai le sourire à l'idée de la magnifique épreuve qui nous attend.
Ce n'est qu'en contournant Lyon que je réalise que cela fait 38 ans que je n'ai pas franchi cette ligne vers le Sud en voiture. La dernière fois c'était pour un moment familial douloureux , une course contre la montre pour revoir ma soeur une dernière fois à l'hopitl à Marseille. Je chasse ces souvenirs et je me concentre sur le plaisir de retrouver la Provence, où j'ai passé de nombreuses vacances et 3 années d'étude. Quel plaisir d'entendre le chant des cigales et de retrouver la lumière plus blanche qui caractérise l'endroit. Dommage, la lavande n'est pas encore en fleur.
Passé Lyon , c'est l'enfer alors qu'il n'y avait personne sur la route jusque là . Tellement qu'on annule la réservation faite pour 20h30 au restaurant Pasta et Basta et qu'on décide de diner sur l'autoroute. L'annulation fera des heureux , Eric et sa femme pourront dîner avec les deux places libérées, amusante coincidence.
Arrivée au gîte à 22h30, le temps de décharger et de tout préparer pour le lendemain histoire de ne rien oublier , il n'est pas loin de minuit lorsqu'on se couche.
Lever 6h30, on a rendez-vous au départ à 7h30 avec Ludo, Eric, Stéphane et Nicolas. Je fais de mon mieux pour ne pas faire de bruit , et en sortant du gîte surprise : un vrai torrent dévale dans la cour ! Je me demande si c'est la vidange du Spa mais c'est trop important. De toute évidence, une canalisaiton vient d'exploser. Je laisse un petit SMS à madame avec les coordonnées du propriétaire. Il s'avèrera que la ville a fait une erreur de manip et envoyé une surpression dans tout le quartier. Un vrai geyser sort devant l'hôtel un peu plus bas.
2km500 à vélo jusqu'au départ , avec une petite bosse à 19% au milieu dont le coin à le secret , ça réchauffe car il fait encore frisquet à cette heure matinale.
Le départ est dans un magnifique endroit, le domaine de Fleurans .
Un petit café et il est temps de rejoindre le départ . Juste à coté de moi se trouve ... Laurent Brochard , ex champion du monde sur route qui a repris la compétition depuis 1 an au sein de l'équipe Wish One.
Sur la première photo, Ludo , Stéphane, Nicolas et Eric . Sur la seconde, Nicolas et Eric et derrière eux , celle qu'on appellera désormais "La Miss" .
Le départ est donné à 8h15 dans une belle ambiance, ça part tranquille. Après un petit bout de route, nous voilà déà sur une belle piste au milieu des ocres, terrain spécifique aux alentours de Bedoin, qu'on retrouvera au retour en visitant les Demoiselles Coiffées.
Le parcours semblait plat jusqu'au Ventoux sur le profil mais c'est uniquement lié au fait que le Géant de Provence écrase la courbe de toute sa hauteur. Ca ne fait que monter et descendre ! Et les montées sont bien raides , souvent au milieu des vignes. Les paysages sont absolument magnifiques . Avec le grand ciel bleu , c'est paradisiaque, difficle de faire plus beau , je suis aux anges ! On alterne entre traversée de petits villages provençaux typiques et vues sur la Provence car on gagne progressivement de l'altitude.
Nicolas est en forme, Ludo évidemment ne lâche rien et il faut parfois appuyer sur les pédales pour suivre les loustics. Les pistes sont belles mais caillouteuses. Avec les chocs , je me rends compte que ma selle descend. Je devrai m'arrêter plusieurs fois pour la resserrer. Régulièrement, la Miss me dépasse mais cale dans les passages techniques, je repasse. Je note toutefois qu'elle descend très bien alors que je monte un peu plus vite , on se double et se redouble régulièrement.
Après 25 km, nous arrivons au premier ravito avec déjà 800m de D+ . Ca ne rigole pas ! .
Je grignote abricots, bananes et barres énergétiques, serre ma tige de selle de toutes mes forces en évitant quand même de tout pêter et rempli le camel à ras bord ( très bonne idée ) .
Nous repartons tous ensemble pour une nouvelle partie de montées / descentes dans de très jolis chemins , c'est vraiment un régal de rouler dans ce coin. J'ai mis le capteur de puissance sur mon Graxx en essayant de rester dans ma zone de confort pour ne pas laisser trop de forces. Mais les copains appuient sur les pédales et il prennent régulièrement un peu d'avance. Bon, on verra , la route est longue !
Superbe passage dans les dentelles de Montmirail .
Avc encore une belle bosse derrière où les organisateurs nous prennent en photo
On gagne en altitude , et on approche sur une petite route de Malaucène, un des trois points de départ de la montée au Ventoux par la route. Dans une énième bosse, je vois les copains prendre petit à petit de l'avance. Je n'essaie pas de les rejoindre, je sais qu'une longue montée vers le Col du Comte nous attend. Alors que je les vois tourner à droite sur une route, ils disparaissent de ma vue. Je vois une piste , je fonce. Curieux j'ai l'impression de passer dans une ferme. Soudain une voix tonitruante , un anglais à moustaches digne de la Grande Vadrouille "What the hell are you doing there ! This is a private place !!!" . "Euh sorry sir, I did a mistake I'm on a bike race" et je montre ma plaque. Heureusement, il n'est pas armé et je retrouve la route. Je reste dans mon rythme, accompagné par un petit groupe et l'inévitable Miss qui roule super bien.
Conséquence de l'arrivée tardive, je n'ai pas relu les consignes la veille et j'ai en mémoire un point d'eau au km 60. Du coup je ne m'arrête pas à l'entrée de Malaucène quand je vois quelques concurrents arrétés près d'un robinet au bord d'un terrain de sport. Le camel fait 1,5l , il m'en reste la moitié . La suite dira que c'était une belle erreur.
Le km 60 , c'est pile l'entrée de la piste que 15km vers le col du Comte. Et je ne vois pas la moindre table de l'organisation ou point d'eau potentiel. Hum, zut me dis-je d'autant qu'il commence à faire chaud.
Petit à petit, le groupe se délite, on n'est plus que deux puis je me retrouve tout seul. La piste a beau avoir l'air roulante elle ne l'est pas. Il y plein de cailloux sur lesquels le Graxx bute régulièrement avec une dépense d'énergie pour relancer.
Au bout de 5km , je me dis que la vue est incroyable. On domine la Provence, et une belle vallée , la piste cheminant en balcon. Fantastique !
Les pourcentages dépassent régulièrement les 10% . La vitesse lue sur le GPS commence à me déprimer ! Combien de temps vais-je mettre pour arriver au ravito au Col du Comte ? Là où je pensais mettre un peu plus d'une heure je réalise qu'il faut plus que doubler l'estimation. Le point encourageant est que tout le monde va à la même vitesse d'escargot . Très peu de concurrents me rattrapent et mettent plusieurs minutes à passer.
Sauf un gars en orange, qui passe au double de ma vitesse , comment il fait celui-là ? Et quelques minutes plus tard , le voilà qui resdescend ?
Il repassera au moins 5 fois 😀 me donnant des envies croissantes de meutre !
Je mange une barre , puis un gel , je sens le camel devenir très léger , ça va être juste en eau c'est clair. Et ça duuuuure ! Ca n'en finit pas . Un léger replat me redonne le moral , c'est roulant jusqu'au col ? Mais non , ça remonte plus fort encore .
Soudain, crampe à la cuisse gauche . Aie ! J'aspire trois gorgées , mouline , encore un gel , ca passe mais je sens que ça va revenir.
Un gars me rattrape , tire la langue , me dis qu'il n'a plus d'eau , moi non plus hélas . Et paf , il crampe aussi et doit s'arrêter.
Encore une pente raide , des cailloux, recrampe. Mais c'et l'enfer ce truc ! Je me sens comme lors de ma première Granit Montana. Mon JP , le parcours sous-estimé tu as. C'est un truc de malade en fait ! . Il faut dire qu'on avait déjà 1600 D+ dans la pattes au km 60. J'ai déjà monté le Ventoux plusieurs fois par la route, dur mais ça reste un bon souvenir sans souffrance majeure. Mais là , sur cette piste , j'en bave et je maudis les organisateurs.
Bon, allez , mode finisher on . Tu vas y arriver même en rampant ! . Je ne rattraperai pas les copains, donc je pousse le vélo 300m histoire de faire partir un peu les toxines. Le kilomètrage sur le GPS n'avance pas , ça n'en finit pas et pas de zone pour récupérer. Pfuiiii ...
Quelques cyclistes hagards sont assis au bord du chemin et tentent de récupérer à l'ombre . C'est un vrai combat cette montée. Ne rien lâcher JP , tu en as vu d'autres . Mouais, peut être , mais je classe le truc dans le top 3 des montées les plus dure que j'ai faites en 50 ans de cyclisme ( et oui , quand même ... ) .
Le gars en orange me redouble pour la nième fois et je réalise que la personne qu'il allait rechercher était notre fameuse Miss qui n'est qu'à quelques centaines de mètres derrière moi et gagne du terrain.
Soudain au détour d'un virage , nous y voilà , le ravito ! . Enfin !
Je me jette sur la Saint Yorre bien fraîche, un vrai bonheur . Je sens la vie couler dans les veines . Et il y a du saucisson . Ah non , y en plus , JP a tout mangé comme un mort de faim . Ai-je mal géré mon alimentation ? Je dévore tout ce qui passe à portée , bananes, abricots, barres , saucisson , crackers , ... et je m'accorde une petite pause à l'ombre de 10 minutes. La Miss arrive , et explique à haute voix "j'ai adoré cette piste c'était roulant et linéaire !" . Stupéfaction générale autour d'elle .
Vais-je arriver à repartir ? Pour ne pas trop me poser de question , je saute sur le vélo et me retrouve sur la route dans la station de ski du Mont Serein avec encore de gros pourcentages. Mais à mon grand étonnement , je suis un autre homme : je ne me sens plus fatigué , plus de crampes , je peux appuyer , j'appuie . Tiens quelqu'un passe , mais ... c'est la Miss .
Grrrr .... je tombe deux dents , les sensations étant bonnes , alors que je m'étais limité à 220W jusque là , je laisse la puissance monter à 300W. Miss larguée. Super , je double plein de monde maintenant, un petit coup de danseuse, 400W , ça passe nickel , le JP est de retour c'est le 2ème souffle . J'ai surtout en tête qu'une fois au sommet , ça descend quasi tout le temps jusqu'à l'arrivée. Je repasse les gars qui m'ont doublé dans la montée sur la piste, et me dirige vers le sommet. Ca grimpe sévère quand même de ce coté . Je suis déjà monté par la route depuis Bedoin et Sault mais c'est une première par Malaucène . Je mémorise les passages, ça servira pour le jour où je tenterai les Cinglés du Ventoux.
Paysage évidemment magnifique, avec des hurlements de moteur de motos qui s'en donnent à coeur joie, le revetement est un vrai billard de ce coté.
Après quelques derniers coups de pédale , voici enfin le sommet.
Je m'offre un coca et une petite pause au sommet , hélas le fameux panneau routier "Mont Ventoux" est en réparation et absent.
J'avais un peu rigolé devant la demande des organisateurs d'emmener un coupe vent au vu de la météo. T'avais oublié que le Ventoux est à 2000m mon JP . Je mets donc le coupe vent , car il fait frais et la descente sur route va être rapide.
Le Graxx file sur la descente. Avec les pneus de 42c , il est ultra stable et enroule les virages avec une super efficacité. Malheureusement, ca va si vite que j'ai à peine le temps d'en profiter avant de bifurquer après 7km sur une piste juste après le Chalet Reynard.
Retour sur piste , en faux plat ... montant ( pfuiii ... marre des montées ) mais facile . Juste derrière moi se trouve ... la Miss et son copain orange. Le GPS m'indique "climb 18/19" , zut il en reste encore un après ?
Ca redescend et la pente augmente. Les nombreux petits cailloux ne me rassurent pas plus que cela quant au contrôle de la trajectoire , je serais plus confiant sur mon VTT . C'est à ce moment que la Miss me passe comme un missile , sacré descendeuse, avant de freiner et s'arrêter quelques mètres plus loin.
"Monsieur , mon GPS s'est arrêté , je ne sais plus quel chemin prendre" .
Hum mon bon JP , j'ai l'impression que tu es plus jeune dans la tête que de l'extérieur, la Miss n'ose même pas te tutoyer devant ton grand âge 😂.
"Pas de souci , tu n'as qu'à me suivre !" ( tentative de replacer le JP dans la catégorie des jeunes cyclistes ) .
Nous voilà reparti. Evidemment mon honneur de cycliste chevronné est challengé par le missile de derrière donc ... je lâche les freins ( ah l'égo 😀 ) . S'en suivent des vibrations monstrueuses , mal aux bras, jusqu'à ce que le GPS dépasse les 40 et là le Graxx se met à voler sur ( au-dessus ) de la piste . Eh eh , trop fort JP .
Virage en épingle à cheveux , s'en faut d'un cheveux justement que le JP finisse dans le précipice après tentative de rattrapage acrobatique en dérapage des 2 roues, mais ça passe. La Miss est imperturbable dans ma roue, le copain largé ( tombé dans le précipice ? ah non zut ) .
Après dévalage de la piste , on rejoint la route. Quelques km de descente à Mach 1 dans la forêt , superbe . Pourquoi le GPS bippe ? Parce-que tu as raté une bifurcation vers un chemin à droite. Zut, encore un peu de D+ imprévu, faut remonter.
On retrouve le chemin, oulà , c'est du VTT là . Single raide avec des marches, le Graxx passe sans souci mais c'est tendu quand même.
Après une belle piste en montage russe où le copain orange envoie du bois ( il est revenu ) , je suis full gaz , les jambes sont à 100% maintenant , je reste sur la plaque.
Et on arrive dans les Demoiselles Coiffées , très étrange et magnifique endroit . La terre ( sable ? ) ocre est légère et même dans quelques centimètres de ce sable ocre , on arrive à rouler.
Encore quelques kms de chemins à la sortie à peu près plats et on rejoint le départ après 8h39 de roulage pour moi .
Fatigué, mais pas épuisé , pas de douleurs , au point que je me demande d'où vient le gros coup de mou dans la montée sur piste du Col du Comte mais il semble que la plupart des concurrents aient vécus une expérience similaire . Je n'aurais peut etre pas du remplir le camel avec une boisson énergétique inconnue au premier ravito . Laurent Brochard vainqueur en 5h50 .
Superbe journée de vélo comme je les aime , y compris avec les passages difficiles surmontés.
Une chose est sure , j'ai adoré ce parcours et je reviendrai , avec une préparation un peu différente pour mieux gérer une effort long en montée raide.
Super bravo aux organisateurs , magnifique parcours , un ravito organisé à Malaucène pour bien visualiser le point d'eau serait la seule suggestion d'amélioration que j'ai à faire , pour le reste , ne changez rien !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire