Impossible de venir ici sans aller affronter la montagne légendaire du Pays Basque, la Rhune. Initialement prévue hier, j'ai remis la sortie à ce jeudi pour cause de nuages accrochés au sommet. Pourtant il faisait un temps magnifique, mais les jours où le sommet est dégagé sont rares et le moindre nuage traînant dans les environs a une fâcheuse tendance à s'accrocher pile poil sur sur la Rhune, qui est le point culminant de la région. Grosses vagues mercredi et nous avons passé toute l'après-midi jusqu'à tard dans la soirée dans l'eau avec mon fils à tracer de belles trajectoires en body board. Et mauvaise surprise en me levant ce matin, j'ai les jambes en compote ! J'ai un sérieux doute sur ma capacité à arriver au bout de mon parcours mais ce ne sont pas les mêmes muscles qui travaillent dans les deux activités. J'ai donc l'espoir qu'en chauffant doucement la machine, les douleurs disparaissent. Départ à 8h15, j'ai traîné dans la préparation, la motivation étant un peu vacillante au vu de ma forme apparente. Me voilà quand même sur le vélo. Hendaye n'ayant rien à envier aux rues de San Francisco, il faut monter une pente déjà bien raide pour rejoindre la route menant vers le pont de Béhobie, porte de l'Espagne et du chemin menant à la montée du col d'Ibardin. Je me traîne à petite vitesse, mais les jambes tournent c'est déjà ça. Sur le chemin le long de la Bidassoa, j'accélère petit à petit sur cette partie sans difficulté, le GPS indique 20 à 25km/h, et les sensations s'améliorent. Alors que le ciel est tout bleu partout ailleurs, le bas de la vallée à cet endroit est sous les nuages bas, image étonnante.
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Nuages bas dans la vallée |
J'arrive dans les temps prévus au début de la montée, je garde la plaque pour cette montée afin de travailler en puissance et de chauffer les muscles et ça fonctionne. Au milieu de l'ascension, je suis bien, les sensations sont enfin bonnes, plus de difficulté à mettre du rythme, ouf, ça va le faire.
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Et me voilà "on top" comme ont dit en aviation |
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Vue panomarique |
Quelques Pottocks pour l'ambiance et bientôt j'arrive au sommet. A noter que lorsqu'on monte par le chemin, on arrive bien plus haut que le col qui est situé à 327m alors que le GPS indique 450m avant de descendre le long des magasins pour rejoindre la route.
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9h40, Ibardin,la Rhune est au loin droit devant |
Quelques centaines de mètres de bitume avant de rejoindre la piste qui mène à Rhune depuis le col. La première partie est ... descendante, il va falloir bientôt regagner l'altitude perdue.
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9h58, le panneau indique le début de la montée finale, il reste un peu moins de 5km, le premier est roulant ... |
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On se rapproche, les antennes sont bien visibles |
La première partie de la montée finale est paradoxalement roulante sur le premier km, le GPS n'indique plus que 350m, sur 4km il va falloir monter à 900m, je vous laisse calculer le pourcentage moyen ! J'ai bien en tête le premier mur au détour d'un virage à gauche, qui monte droit dans la pente. Et effectivement, le voilà. J'enclenche le 20x36, ici pas la peine de jouer au héros, l'idée c'est de tenter la montée sans mettre pied à terre. Cette fois, les choses sérieuses commencent, ça monte vraiment fort, et surtout je sais que ça va durer longtemps. J'entends un clic-clic de transmission, bizarre pourtant tout est bien réglé. Je me retourne et je réalise que je suis poursuivi par un autre vététiste. On va s'affronter en mode "Rhune", ici 50m d'avance représentent plusieurs dizaines de secondes , tout est au ralenti ! Dans un passage encore plus dur, il me rattrape, et passe en me disant bonjour en espagnol. Impossible de le suivre même s'il est 10m devant. Je n'essaie même pas, surtout ne pas se griller parce-que je suis à bloc, le souffle court, qu'est-ce que c'est dur ! Nous allons nous suivre presque toute la montée jusqu'à un nouveau passage sans doute à plus de 25% où ma roue ripe, et me force à mettre pied à terre pour éviter la chute. Zut, mais bon, je sentais que j'arrivais à la limite et c'est la première fois que je monte si haut d'une traite ici. Tant pis, je fais une pause d'une minute pour laisser le coeur redescendre avec un petit espoir de reprendre le fuyard s'il a présumé de ses forces ( ce qui ne sera pas le cas ) .
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Pause en regardant les Pottocks |
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Ca se rapproche, il est 10h30, 2km en 1/2h ! |
Et me voilà reparti, le milieu de la montée est relativement moins pentu, en moulinant tranquillement, ça permet de récupérer un peu avant la ligne droite finale absolument terrible.
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La dernière ligne droite, l'objectif écrase la pente, jamais inférieure à 20% sur cette partie et 30% dans le dernier virage |
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J'arrive au pied de ce fameux passage, il va falloir serrer les dents. J'aperçois mon lièvre à mi-pente, ça fait quelques minutes d'avance, mine de rien. Le sol est recouvert de petits cailloux ronds qui ne facilitent pas la progression. Il y en a beaucoup plus que les autres années, ça n'augure rien de bon pour la descente qui risque d'être délicate. Je dose de mon mieux la puissance sur la roue arrière pour trouver le bon compromis entre l'adhérence et la trajectoire. Mes jambes brulent et les poumons aussi, je me rappelle que je m'étais juré de ne pas recommencer cette ascension de folie. Maintenant, il faut aller au bout. Je m'arrête 30s à 100m du dernier virage, hyper raide, pour reprendre mon souffle. Les encouragements de tous les randonneurs admiratifs font du bien. En serrant les dents, je passe le virage, je sais qu'il reste ensuite 100m difficiles avant que la pente diminue. Il y a un monde fou qui profite de la belle vue avec le temps dégagé, il faut y aller avec prudence car les gens ne regardent pas trop où ils vont. J'arrive au sommet, je dégouline littéralement.
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11h, un vététiste sympa a proposé d'immortaliser le moment, merci à lui |
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Vue sur les maisons du col d'Ibardin |
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Hendaye et Fontarrabie au fond
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Au premier plan à gauche , le chemin pour redecendre |
Le petit train de la Rhune qui est en service depuis presque 100 ans |
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Il est temps de redescendre pour arriver à l'heure pour le déjeuner. J'y vais prudemment, les cailloux roulants dans une pente à 30%, ça m'inspire une confiance mitigée. Je regrette la selle téléscopique à cet instant. Je me retrouve rapidement dans le fameux virage vertigineux. Un coup d'oeil dans l'axe de la pente pour voir s'il y a du monde, un groupe de randonneuses approche. Je serre à droite pour ne pas les gêner, à cet endroit, c'est du bitume. A la sortie de la zone bitumée, je réalise trop tard que sur ce coté, il y a un petit ruisseau qui coule. La roue avant ripe violemment sur le rebord d'une rigole en bois transformée en patinoire par l'eau. D'un coup de rein désespéré, je redresse le vélo in extremis mais ça m'envoie de l'autre coté la roue arrière décroche et je me vois tomber sur le coté droit dans la pente vertigineuse. Oulala, ça se présente très mal là ! Pas le temps de déclipser, je tente de heurter le sol le plus souplement possible mais la pente est si raide que je fais un tonneau complet par la droite et je m'arrête dans un nuage de poussière rouge, un peu sonné. Un coup d'oeil aux randonneuses, je n'ai blessé personne, ouf. Second coup d'oeil pour vérifier s'il ne s'agirait pas d'une école d'infirmières justifiant de prendre une posture incitant à la réanimation. Aie, en fait c'est un club du troisième age et elles sont au bord de la crise cardiaque me voyant déjà en mille morceaux. Je me relève donc avec un grand sourire malgré un bras et une jambe droite bien rapés, mais pas de gros bobo. Je suis couvert de terre rouge, les lunettes en travers et le casque de guingois. Elles me regardent comme si j'étais le survivant d'une catastrophe nucléaire. Je rassure tout le monde et saute sur le vélo pour repartir. Le souci c'est que je ne vois plus grand chose à travers les lunettes avec la poussière et la transpiration qui dégouline. Impossible de s'arrêter à cet endroit, ça descend trop fort, je fais une petite pause plus bas mais l'essuyage ne donne pas grand chose. Je roule prudemment jusqu'à ce que la pente se calme et permette de plus lâcher les freins. Attention aux rigoles parfois très creusées qui permettent l'évacuation de l'eau. Cette satanée foruche DTSwiss ne les absorbe pas bien et je me fais plusieurs quelques frayeurs avec le vélo qui chasse fortement. Remontée sur quelques centaines de mètres vers Ibardin, version col, puis remontée bien raide au milieu de la foule pour rejoindre la piste qui redescend vers Hendaye. Je fais peur avec le sang sur le jambe et le bras, les gens s'écartent naturellement, un automobiliste s'arrête même pour me proposer sa trousse à pharmacie, super sympa , merci à lui. Je décline, rien de grave et il y a un torrent plus loin sur lequel je compte pour reprendre forme humaine. La suite de la descente ne pose pas de difficulté, le vélo file bien. Je stoppe au torrent pour une pause ravito et nettoyage, pour la jambe, le bras et surtout, les lunettes ! Me voilà enfin présentable et je vois la trajectoire devant, quel bonheur. Tellement bien, que je rate la bonne bifurcation, filant comme un missile sans regarder le GPS. Ca me vaut un bon km de remontée en plus, quand on aime, on ne compte pas. Puis retour à la maison par la piste le long de la rivière à toute vitesse, le vent dans le dos. A l'arrivée, le GPS affiche 60km pour 4h27 de roulage et 1650m de D+. Belle sortie et sacrée frayeur quand même !
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