Pour la première fois cette année depuis que je vais au Pays Basque, je me suis lancé dans l'ascension de vrais cols Pyrénéens, en utilisant la voiture pour rentrer plus dans les terres. Avec en particulier, le Bagargi ( 29 km quand même dont 10 à plus de 10% ) et surtout, le terrible Artzamendi et son final inhumain de 4 km à 19% de ... moyenne .
Du coup, je me suis mis à chercher dans la littérature sur le thème " quel est le col le plus dur de France" . Des noms reviennent très souvent : Le Ventoux, le Grand Colombier, Le Tourmalet , ...
L'Artzamendi est très peu connu donc presque jamais cité sauf par ceux qui l'ont monté .
Mon nouvel Origine Axxome qui a remplacé le Synapse dans l'écurie me donne des envie de monter des cols.
Je décide donc d'aller voir par moi-même, le trajet de Benoit en TGV pour Hendaye m'a donné des idées. Tous les cols à proximité d'une gare TGV ne sont pas loin de Paris en fait . Pour un transport bien sécurisé, après une longue réflexion, je fais l'acquisition chez Alltricks d'un sac de transport Thule Roundtrip pro, qui a la qualité de se plier dans un petit volume mais de se transformer en valise rigide une fois monté, avec un rail pour poser le vélo , qui devient même un pied d'atelier en utilisant les barres de renfort latérales comme support.
Jeudi soir, me voilà donc dans le TGV en direction d'Avignon, 2h40 depuis la Gare de Lyon .
J'ai réservé à Bedoin une chambre d'hôte au Clos Marceau. Un petit mot sur ce gite plus que hautement recommendable . Il est en plein centre, quasiment au km0 de la montée. Tenu par des gens charmants, chambres haut de gamme, climatisées et magnifiques pour un prix modique, garage à vélos sécurisé et cerise sur le gâteau, douche en libre service après avoir rendu la chambre, vraiment appréciable au retour d'une sortie. Ah j'oubliais, le petit déjeuner est au top et compris dans le prix, si, si , je vous jure. Le paradis du cycliste !
Le Clos Marceau |
Remontage de l'Axxome |
Bref, après un dîner à la pizzeria du coin, me voilà levé à 7h pour tenter l'ascension du Géant de Provence .
Je ne sais pas trop à quoi m'attendre. J'ai étudié le profil dans tous les sens, l'ascension depuis Bedoin est la plus dure avec 5 premiers km faciles, suivi de 9km à 9,5% de moyenne réputés très durs avant le final après le chalet Reynard, plus facile , sauf les deux derniers kms à 10% . Ca fait quand même 20 km. Alors plus dur que l'Artzamendi ??
J'ai prévu une boucle avec redescente via Sault puis retour à Bédoin depuis Sault. Il y a en effet trois montées pour le Ventoux . Depuis Bedoin, depuis Malaucène ( presque aussi dur ) et depuis Sault, plus facile car elle fait 6 km de plus donc le pourcentage est plus faible, jusqu'au Chalet Reynard où on rejoint le final commun à ces deux montées.
Et si je remontais depuis Sault ? Euh non, sois raisonnable JP , il y a Seb qui veut faire du VTT dimanche !
Je fais une première boucle autour de Bédoin pour m'échauffer car comme on l'a dit, ça démarre devant le gîte donc directement dans les affaires sérieuses. J'ai peur pour mes gambettes .
Echauffement réussi, je prend une route au hasard et évidemment ça monte à 10% !
J'ai oublié de vous dire, Bedoin c'est la ville du vélo . La moitié des magasins sont des magasins de cycles avec des dizaines de vélos à louer pour grimper le Ventoux. La moitié des passants sont en tenue cycliste. Incroyable, on se croirait au départ d'une cyclo mais ici c'est tous les jours . Je verrai des centaines et des centaines de cyclistes monter pendant ma redescente. Impressionnant mais on se sent moins seul et les gens disent tous bonjour . Sympa .
Bon, cette fois, on y est , ça grimpe et GPS m'affiche le segment Strava. On va oublier le KOM pour aujourd'hui . Il y a presque 100.000 personnes sur le segment et tous les pros connus l'ont monté, autant dire qu'il faut dépasser le 20 de moyenne pour taper le KOM, incroyable !
J'ai une meilleure référence, l'ami Franck XXXL qui l'a monté 6 fois de suite la semaine dernière . Si, si . Respect pour le champion, je prends son temps comme indication pour savoir si je suis dans le rythme .
Effectivement, ça ne monte pas trop fort au début . Je me cale sur un tempo actif sans forcer, deux gars me passent avec 5km/h de mieux. Bigre, j'avance pas ou c'est des cadors ? J'ai quand même l'impression d'appuyer sur les pédales et je commence à doubler du monde, ça me rassure .
Les CR disent "et soudain , après le virage de Saint Estève, la pente se cabre brusquement" . Voilà le virage à gauche, déjà 5 km de parcourus. Et ... la pente se cabre, comme dans les livres . Sauf qu'il faut la monter avec les jambes .
Je monte les dents derrière, on est à 10% de pente dit le GPS. Un petit 34x32 pour mouliner à 75 rpm fera l'affaire pour commencer. Je commence à doubler plus de monde, et je rattrape les deux gars qui m'ont atomisé plus bas. Eh eh , ils zigzaguent dans tous les sens, sont cuits là ...
Un petit cliquetis derrière moi attire mon attention, j'ai un cyliste dans ma roue. Il va y rester pour les 6 km suivants. Le pourcentage est dur, mais régulier, on arrive à se caler sur un tempo. Je me mets en danseuse de temps en temps car il faut appuyer fort et ça finit par faire mal aux fesses . Mon ombre derrière est toujours là. Passage plus dur à 14%, le voilà qui passe devant. Je décide de rester sur mon tempo, et son coup de pédale ne me semble pas super aérien. On va voir .
Il s'éloigne mètre par mètre. On double beaucoup , beaucoup de monde . Pour l'instant, personne ne passe. Ah si, en voilà un, pas de débat, il avance fort, mais souffle tout aussi fort . Je suis à 80% et je m'y tiens . Pas essouflé , beaucoup moins mal aux jambes que sur l'Artzamendi, mais l'effort est quand même intense et très long.
En voilà encore qui passe , incroyable la vitesse , ah mais il est électrique, évidemment ça aide surtout dans cette pente . Bon, hors concours !
Je me sens bien en fait ce matin, l'effort intense à débloqué mes jambes. Allez, je passe sur le 28. Le vélo accélère, et je le sens rouler . C'est la grosse différence avec Artzmendi, on est quand même à 10/11 km/h, avec des sensations de roulage et pas l'impression de faire du surplace.
Le cardio monte de 5rpm, tant pis, je me sens vraiment bien, je continue sur ce tempo. Du coup je reviens et je dépose mon ombre de tout à l'heure.
Youpi, voilà le Chalet Reynard. J'en ai tellement entendu parler que j'ai l'impression de voir un lieu sacré de l'histoire du vélo . C'est plat sur 500m, je passe le virage à 26 km/h au GPS mais je me calme tout de suite, ça remonte. Moins fort quand même , on tient le 12 km/h ici . Curieusement sur cette partie plus facile, je me fais doubler par plusieurs avions, d'où viennent-ils ? Je les soupconne d'avoir fait une pause au chalet vu leur état de fraîcheur. Je continue d'en doubler pas mal , ça encourage énormément.
3km du sommet, il y a des photographes qui prennent des photos et vous donnent un ticket pour la récupérer sur leur site payant. Idem aux 2km , 1km et sommet . Ils vous glissent le ticket dans la main.
2km , ça se corse, on repasse à 9 puis 10% pour le dernier km . Mais j'ai de la force, alors je reste sur le 28 et je reviens d'ailleurs sur le dernier qui m'avait dépassé. On sprinte comme des fous devant le photographe qui est content :-) .
Encore 200m pour une rampe réservées aux vélos et c'est le panneau du sommet du Ventoux .
La vue est magnifique, je prends plein de photos . On voit toute la Provence d'un coté, les Alpes de l'autre . Le tout dans l'univers typique du sommet du Ventoux . Un désert de cailloux sur les derniers kms.
Bon, il faut songer à redescendre . Direction Sault . En deux temps trois mouvements, me voilà déjà au Chalet Reynard. C'est là que la route bifurque vers Sault. N'espérez pas battre des records de vitesse dans cette descente. Il faut pédaler, la pente n'est vraiment pas très forte sur les premiers kms. Ca descend mieux ensuite. Jolis paysages, on est dans la forêt sauvage. La forêt s'arrête sur le bas, on est alors dans les vignes et cerise sur le gâteau, ça remonte sur 1,5 km pour arriver à Sault, très beau village provençal.
Il est 11h30, et j'ai faim. Je fais quoi ? Je mange mes barres ? Je passe devant la terrasse d'un café où je vois des cyclistes une pinte de bière à la main avec un gros sandwich. Je ne résiste pas et avale deux bières et deux sandwichs délicieux au paté , cornichons et saucissons avec du pain frais. La vie est belle :-)
Tout ça me donne des forces . Et si je remontais ? J'ai le temps ... Allez , il faut en profiter.
Me voilà donc reparti vers le Ventoux . 26km dans ce sens . D'ailleurs, j'aperçois le sommet, au loin, vraiment loin . Bigre, va falloir pédaler si je veux remonter tout ça en 2h .
Me revoilà dans les vignes . Le point positif , c'est que le GPS indique 16 km/h. Effectivement, ça monte moins fort dans ce sens mais je le savais au vu de la descente.
Ca monte plus fort pendant quelques kilomètres ensuite. Les forces reviennent, je descends les pignons et de ce coté je monte sur 34x19. Rien à voir .
Plus on monte, plus c'est facile d'ailleurs.
Je m'emballe d'ailleurs un peu sur les derniers kms avant le Chalet Reynard où je suis souvent a plus de 20km/h.
Sans trop le vouloir, j'y laisse sans doute un peu trop d'énergie.
Revoilà le Chalet Reynard, et on revient sur les derniers kms de ce matin .
Et là , ouille ! Le 34x28 ne tient que sur 2 km , après ça commence à faire mal aux jambes . Je mets le 32 ouf ça va mieux . Un gars me passe avec 0,5 km/h de mieux mais rien à faire, je ne peux plus accélérer alors que je l'aurais déposé le matin. Je m'applique à pédaler rond sans m'occuper d'autre chose . Les derniers kms sont durs et sur la dernière rampe de 10% je suis bien content d'avoir laissé la cassette de 36 qui me permet de finir sans me faire trop mal .
2ème arrivée au sommet, 2 minutes de plus que ce matin, pas mal quand même , même si j'étais parti pour mettre 1/4h de moins mais les jambes m'ont rappelé à l'ordre.
La descente vers Bedoin est beaucoup mieux que vers Sault. Pas un coup de pédale à donner, des beaux virages pas très durs à prendre, mais attention aux voitures, certaines coupent complétement le virage alors qu'un vélo arrive à 60 km/h !
Me revoilà à Bedoin en moins de temps qu'il faut pour le dire .
Un proverbe provençal dit " N'est pas fou celui qui monte au Ventoux , est fou celui qui y retourne".
Bon , je suis fou , alors je m'arrête à un café déguster une bière de Fada :-)